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tous deux et me laisseront espérer leur concours dans cet ordre d’idées auprès du Souverain Pontife.

Le secrétaire d’Etat, que je revis le lendemain, m’exprima toute la satisfaction que le Saint-Père avait éprouvée en apprenant l’accord intervenu. Il demeura bien entendu que la nomination des deux cardinaux serait simultanée, qu’aucun des doux candidats à la pourpre ne pourrait être réservé in petto[1] pour une préconisation ultérieure et qu’ainsi, de fait, nous obtenions le septième chapeau.

Ce fait, me dit formellement le cardinal à deux reprises différentes, pourra se renouveler, et Son Eminence m’a déclaré qu’elle serait toute disposée à nous seconder dans cette voie ; mais, quant au droit formol, le Saint-Père ne croyait pas pouvoir dépasser ses premières promesses. Avec les trois cardinaux français résidant déjà à Rome, le nombre de ces dignitaires de l’Eglise allait se trouver porté à dix, et nous aurions ainsi le sixième des voix du Sacré Collège. Il serait impossible à Sa Sainteté, après un fait aussi considérable et qui lui vaudrait certainement des observation de la part des cardinaux italiens et des ambassadeurs des autres puissances catholiques, de proclamer à l’état de droit permanent pour la France ce qu’elle était très heureuse de nous accorder en fait. Le Saint-Père désirait donc, dans l’audience qu’il m’accorderait le lendemain, que j’évitasse de toucher à la question de droit. Il lui serait pénible de me refuser, et il me saurait gré de ma réserve.

Devant ces observations du secrétaire d’Etat, et le principe de la négociation demeurant intact, je ne pouvais pas insister. « D’ailleurs, écrivais-je à M. Waddington. comme je vous l’ai dit dans mes premiers télégrammes, à Rome, un précédent vaut mieux qu’une promesse, et, ce précédent, nous ne l’avions jamais obtenu jusqu’ici. Le Pontife actuel et le secrétaire d’Etat sont très désireux d’être agréables à la France, et j’en ai vu une nouvelle preuve dans l’audience que le Saint-Père m’a accordée hier matin. »

J’ai tenu, m’a dit textuellement le Souverain Pontife, quand je suis entré dans son cabinet, à ce que, dans la « première promotion de cardinaux que j’avais à faire, la France eût la part principale. » Et comme je le remerciais vivement de ces paroles,

  1. Cette réserve in petto est un cas qui se produit, lorsque le Saint-Père, pour une raison ou une autre, nomme un cardinal, mais se réserve de le proclamer officiellement dans un consistoire plus éloigné.