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vigueur qu’aux jours où, ne suivant pas une politique agressive, l’Angleterre se contentait d’un état militaire et maritime suffisant pour protéger son domaine colonial et ses flottes commerciales.

Ce fut aussi l’époque la plus brillante de ses finances, celle où l’amortissement de ; la Dette suivit la marche la plus rapide, où le système des impôts recul des transformations presque toutes judicieuses et salutaires, où la puissance des marchés anglais parut s’affermir de la façon la plus décisive. Nous craignons que le tableau ne change au cours des premières années du XXe siècle : le budget anglais vient d’être porté ; soudainement à un chiffre énorme et qui paraîtra lourd, même à une communauté aussi riche et où tant de capital a été accumulé. Beaucoup de dépenses, qui semblaient temporaires, resteront inscrites d’une façon permanente, à cause de la nécessité de maintenir une armée nombreuse dans l’Afrique frémissante et d’assurer les communications avec ce continent. Des réserves de capitaux, et de sagesse ont permis à nos voisins de supporter sans sourciller le premier choc d’une guerre aussi ingrate : mais ils vont en sentir peu à peu les effets fâcheux. Déjà le résultat de vingt ans de persévérance dans l’amortissement de la dette est annihilé par la création de rentes nouvelles, dont le service réclamera peut-être une annuité égale à celle qui avait été supprimée. L’impôt sur le revenu a été porté ; à un taux inconnu depuis la guerre de Grimée. Et toutes ces difficultés naissent à un moment où la concurrence commerciale allemande et où la concurrence industrielle américaine serrent de près les Anglais et leur disputent, souvent avec succès, des marchés où ils croyaient régner sans conteste. Le ciel d’Albion est chargé de nuages : nous savons que son peuple n’est pas de ceux qui se laissent abattre par les revers, ni détourner de leur route par les obstacles qu’ils rencontrent. Mais nous n’en constatons pas moins qu’en un an, ses finances ont souffert l’atteinte la plus grave qu’elles aient reçue depuis près d’un siècle et que la répercussion économique de la guerre sud-africaine sur le marché de Londres et sur le commerce du Royaume-Uni ne peut encore aujourd’hui être mesurée dans toutes ses conséquences.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.