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et par-dessus toutes les autres très utile, attendu que par son moyen tous les corps animés qui ont mouvement font toutes leurs opérations. » Persuadé que la nature observée de près et bien comprise doit livrer à l’homme le secret d’une foule d’inventions dont elle lui propose l’exemple, il avait à cœur d’en faire profiter ses semblables. Mais la possibilité de s’élever et de se conduire dans les airs présente plus qu’aucun autre problème des difficultés qui l’avaient piqué au vif, et il ne se lassait pas de tourner et de retourner la question sous toutes ses faces. Pour la résoudre, il avait d’abord cru trouver quelque secours dans l’étude des corps plongés dans l’eau, et particulièrement dans celle de la natation ; mais bien vite il avait reconnu que le point d’appui fourni par l’eau à l’homme lui fait défaut dans l’air, et qu’il y avait à tirer du vol de l’oiseau des enseignemens plus directs. Aussi avait-il cherché à en observer minutieusement toutes les conditions. Suivant son habitude, il s’appliquait à décomposer avec le plus grand soin les diverses phases de ce vol, selon que l’animal s’élève dans l’air, qu’il plane ou qu’il descend. La rapidité ou la lenteur de ces opérations, les facilités ou les obstacles que leur apporte le vent, l’acte fait isolément ou en troupe, il notait avec une précision et une pénétration singulières les moindres circonstances, et les ingénieuses recherches poursuivies de notre temps par M. Marey n’ont fait que justifier la complète exactitude des dessins exécutés à ce propos par Léonard[1]. Tour à tour la structure interne de l’oiseau, le mode de sa respiration, le mécanisme de ses ailes, la force et la vitesse de leurs battemens, la forme, la disposition et la nature de ses plumes, le rôle spécial assigné à chacune d’elles, selon le plus ou moins de prise qu’elles ont sur l’air, en un mot tous les élémens de la question ont été successivement examinés, rapprochés les uns des autres avec une telle sagacité qu’il est permis de se demander lequel l’emporte ici de l’artiste ou du savant, ou plutôt qu’on demeure confondu des ressources d’étude que tant de supériorités réunies en un seul homme mettaient à son service.

Cette disposition à décomposer par la pensée et à reproduire par le dessin toutes les phases d’un mouvement ou tous les aspects d’une figure est caractéristique chez Léonard. Elle procède

  1. C’est d’ailleurs dans le sens de l’aviation que sont dirigées les recherches les plus récentes faites en vue de la navigation aérienne.