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eût jamais été méconnu et contesté ? C’est cependant ce qui est arrivé, ainsi que nous le fait connaître, en s’en indignant d’ailleurs, le rapporteur de 1900, M. Trouillot. Après avoir exposé les facilités données aux sociétés ayant pour but le partage de bénéfices, aux intéressés de toute une région voulant entreprendre de grands travaux publics dans un intérêt industriel ou agricole, aux syndicats professionnels, syndicats de communes, sociétés de crédit agricole, sociétés de secours mutuels, il ajoute :

« Mais, quand il s’agit d’associer des intelligences, des volontés, des énergies en vue d’une action plus haute et plus généreuse, pour servir les intérêts les plus nobles de l’humanité, dans un but moral, politique, littéraire, artistique, philanthropique, scientifique, on tombe simplement sous le coup des interdictions et des sévérités du Code pénal… Tel est demeuré, à travers nos révolutions politiques et au bout de trente ans d’existence du régime républicain, le régime légal des associations dans le pays qui a proclamé les droits de l’homme et du citoyen ! Et la surprise grandit lorsque, après avoir constaté à quel point ces dispositions discordent avec l’esprit général de notre législation, ou les compare avec le régime dont bénéficie le droit d’association à l’étranger et dans les pays qui se piquent le moins de respect pour les traditions de la Révolution française. »

Si je comprends bien le sens de ces lignes, comme l’état législatif signalé par M. Trouillot s’est maintenu sous tous les gouvernemens de nature très diverse qui ont régi la France depuis un siècle, l’étonnement de le voir subsister encore après trente ans d’existence du régime républicain doit signifier que, plus qu’aucun autre, le régime républicain est respectueux du droit et de la liberté. Beaucoup lui faisaient l’honneur de le penser, mais on est heureux de se voir confirmé dans une pareille croyance ; par les déclarations d’un homme aussi autorisé que peut l’être, le rapporteur du dernier projet de loi sur les associations. Aussi dirons-nous avec lui : « On ne rencontre plus aujourd’hui de contradictions en constatant que le droit d’association est un droit aussi naturel, aussi nécessaire que tous les autres droits reconnus et réglementés par le Code civil, et combien le développement des plus fécondes initiatives a été entravé dans notre pays par les dispositions restrictives des articles 291 et suivans du Code pénal… On s’étonnerait que, tout au moins depuis 1870, les efforts les plus persévérant, traduits par les propositions les