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qui, dans les imaginations, prend des dimensions fantastiques, comme rentrant dans les biens de mainmorte, par la raison qu’il n’y a rien de plus circulant, de plus nécessairement mobile que des valeurs mobilières ; dès lors que les congrégations ont à leur service cette admirable ressource, défiant les plus minutieuses investigations du fisc, comment comprendre que, relativement à la partie immobilière, elles ne se restreignissent pas d’elles-mêmes à ce que divers projets de loi ont appelé « ce qui leur est strictement nécessaire ? » Les immeubles, autrefois, ce n’était pas seulement le luxe, le confort, c’était aussi la richesse ; aujourd’hui, c’est devenu la charge. Hier, cela relevait et honorait ; aujourd’hui, cela trahit et compromet.

Mais il en est bien autrement de la vraie mainmorte dont le flot va montant et montera sans cesse. Je ne veux pas parler de la portion immense du sol occupée par les voies publiques, ce qui, bien entendu, comprend les chemins de fer, lignes de tramways, etc., des sommes que représentent nos édifices publics de toute nature ; je ne veux m’occuper que d’une seule catégorie de biens de mainmorte, créée dans une période qui ne dépasse guère nos vingt dernières années, de la création d’écoles. Ce sont des centaines de millions que l’on a dépensés pour cette œuvre, c’est-à-dire un chiffre qui dépasse de beaucoup toute la fortune immobilière des congrégations, qui en est au moins le double ; on a ainsi accru dans d’énormes proportions et l’on accroît tous les jours la grande mainmorte, la vraie, l’implacable, et tout cela est bien, — plaudite cives ! — Mais qu’une association religieuse, pour donner l’enseignement à un plus grand nombre d’enfans pauvres, pour soigner quelques malades abandonnés de plus, c’est-à-dire pour faire le service de la charité à moindres frais, mais à meilleur dévouement, acquière quelque immeuble, les vents de toutes les colères se déchaînent, cela devient l’abomination de la désolation, péril social dont on n’a pas même le moyen de mesurer l’étendue, — ce qui pourrait bien faire qu’il n’existât pas, — et auquel on ne saurait échapper que par la destruction des associations religieuses elles-mêmes !

Par les passages extraits du rapport, on a pu voir quel effrayant tableau M. Trouillot fait de la fortune des congrégations ; à l’en croire, elles seraient en voie d’absorber une grande partie de la fortune de la France. « Il n’est personne, dit-il, qui ne puisse se rendre compte par son propre examen de l’énorme