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ceptibles puissent se plaindre ; à chaque ligne, on trouve pour la France l’assurance d’une affection évidemment sincère ; le Pape en a donné d’ailleurs trop de preuves pour qu’on puisse la mettre en doute. Sa lettre au cardinal-archevêque de Paris en est une preuve de plus. Avant cette lettre, un journal avait publié une conversation de Léon XIII avec un de ses rédacteurs, conversation qui portait tous les caractères de l’authenticité, qui n’a été démentie sur aucun point, qui a été confirmée sur presque tous par la lettre publiée le surlendemain, mais où l’illustre pontife parlait, avec plus de liberté qu’il ne pouvait le faire dans un document officiel, des promesses qu’on lui avait faites, ou qu’il pensait avoir reçues, et des pénibles surprises qu’il avait éprouvées à leur sujet. Quelles étaient ces promesses ? Le Pape ne le dit pas expressément. Mais on peut croire que, depuis le dépôt déjà ancien du projet de loi sur les associations, il a été entretenu dans l’assurance qu’il n’avait rien à en craindre ; que ce projet ne verrait probablement jamais le grand jour de la tribune ; en tout cas, qu’il ne serait pas voté tel quel ; enfin, qu’il n’y avait là, de la part du gouvernement, qu’une manifestation parlementaire sans conséquences ultérieures et durables, dont il ne fallait pas se préoccuper, ni encore moins s’alarmer. Le Pape en a-t-il été convaincu ? Nous l’ignorons ; en tout cas, il a eu l’air de l’être, aussi longtemps que cela lui a été possible. Le jour est venu où cette attitude ne pouvait plus être conservée sans cesser d’être de la confiance pour devenir de la crédulité. C’est alors que Léon XIII a rompu le silence, en laissant apercevoir à la fois sa douleur et sa déception. Il n’a dit qu’un mot sur M. Waldeck-Rousseau, à savoir que la déférence à laquelle celui-ci l’avait accoutumé, soit avant d’arriver au pouvoir, soit depuis, lui avait fait espérer de sa part autre chose. Il a parlé de plus, — et, certes, il en avait le droit, — de l’appui dévoué qu’il avait prêté à la France républicaine aussi bien dans sa politique intérieure que dans sa politique extérieure. On l’en a, paraît-il, souvent remercié.

C’est un problème psychologique très complexe que celui de savoir dans quelle mesure M. Waldeck-Rousseau était sincère lorsqu’il donnait au Pape les assurances tranquillisantes auxquelles celui-ci a fait allusion. M. Waldeck-Rousseau a une tournure d’esprit et de parole volontiers doctrinaire ; mais il improvise ses doctrines au fur et à mesure qu’il en a besoin, et ceux qui ne considéreraient que la forme nette, ferme, péremptoire dans laquelle il les exprime risqueraient de se tromper sur ce qu’elles ont en réalité de fragile,