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accomplir tout ce qu’il leur demande, il prend brusquement dix mille hommes pour les envoyer sur les Alpes : il les diminue comme à plaisir, par des congés accordés sur la recommandation de députés à qui il veut plaire ou en y opérant des recrutemens pour l’intérieur. « Cette armée de l’intérieur, écrit le chef du génie Chasseloup, énerve les autres années, comme Paris engloutit les départemens. »

Le Comité s’étonne que les fournisseurs, à qui sont dues des sommes énormes, ne veuillent pas faire de plus longs crédits. Il considère qu’il faut exiger d’eux qu’ils continuent à pourvoir à tous les besoins. Quant au payement, on verra plus tard. Les représentans en mission protestent contre ces instructions arbitraires. Ils sont obligés de n’en tenir aucun compte ; et de payer les fournisseurs sous peine de laisser les troupes mourir de faim. Le Comité maugrée contre cette transgression de ses ordres. Il mande à Pichegru, comme fiche de consolation : « Une fois en pays ennemi, vous saurez bien vous procurer des ressources… La guerre doit nourrir la guerre. Faire vivre votre armée est votre premier devoir. Si vous êtes en pays ennemi, levez des contributions ; si vous êtes en pays neutre, réquisitionnez en payant ; si vous êtes en pays ami, procédez par la préemption. » Un envoi de numéraire vaudrait certes mieux que cet exposé de principes, tout au moins inutile en la circonstance, puisque, d’une part, on n’est pas en territoire ennemi, et que, d’autre part, l’argent manque.

Il est vrai que le Comité rappelle qu’il a envoyé des fonds au commissaire ordonnateur en chef de Rhin-et-Moselle à l’effet d’approvisionner les places : « C’est à vous, citoyen général, à activer son zèle, s’il en est besoin, et à le diriger d’une manière convenable. » Le malheur est que cet envoi de fonds consiste en assignats, ce qui ne représente rien ou presque rien, et que le zèle du commissaire ordonnateur en chef est aussi impuissant que celui de Pichegru. Celui-ci se plaint-il de l’insuffisance des fourrages et de leur mauvaise qualité, on lui répond : « Nous avons ordonné d’augmenter la ration des fourrages. Quant à leur qualité, elle n’est pas bonne, ce que nous apprenons pour la première fois ; la faute en est aux agens qui les ont procurés et aux commissaires qui les ont reçus. Il faut dénoncer les uns et les autres, afin qu’ils soient sévèrement punis. » Les dénoncer, les poursuivre, faire des exemples, cela, certes, conjurera dans