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semble voir dans cette conduite moins de volonté de relever promptement l’armée du Rhin de sa défaite par un secours dont l’effet se serait confondu dans la gloire qu’en aurait acquis cette armée que de la prétention à devenir son libérateur par un coup plus éclatant. En un mot, je vois des jalousies de métier, des fantaisies de gloire, où j’aurais voulu voir plus d’empressement à arrêter les progrès de l’ennemi. Je leur pardonne d’avance, s’ils viennent promptement. Mais, pour Dieu, que ne viennent-ils, et pourquoi ne donnent-ils pas de leurs nouvelles ? Je dois au général Pichegru la justice de dire qu’il a fait tout ce qu’il a pu pour établir entre les deux armées une correspondance suivie et bien nécessaire. Cependant, nous ignorons s’ils sont encore de ce monde. »

Il y a du soupçon entre les lignes de cette lettre. Ne la prenons pas cependant trop au tragique. Mais reconnaissons, puisqu’elle est de nature à soulever tant de doutes, que la mémoire de Pichegru doit en bénéficier, et que ce n’est pas plus au moment où Mannheim vient de lui ouvrir ses portes, — 20 septembre, — qu’au moment où il sera contraint par des forces supérieures et faute de secours d’en abandonner la défense, — 29 octobre, — qu’il est juste de l’accuser de trahison. Nous verrons dans la suite de ces récits si, en ce qui touche ses opérations ultérieures, l’accusation est mieux fondée.


ERNEST DAUDET.