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fait aux journalistes, comme certaines personnes seraient portées à l’imaginer, la délivrance de ces billets gratuits, en échange d’insertions concernant les horaires, trains de plaisir, voyages circulaires, etc., constitue pour les compagnies une bonne spéculation. A tel actionnaire qui, lors d’une assemblée générale, se plaignit de cette prodigalité, il fut répondu par le directeur que l’administration réalisait par là une économie de 500 000 francs. Les journaux ne l’ignorent pas d’ailleurs ; mais ils n’ont jamais réussi, quoique plusieurs y aient travaillé, à transformer ce contrat de politesses réciproques en un versement mutuel d’espèces monnayées.

Les chemins de fer, comme les théâtres, les hôtels, les casinos, sont une industrie où la publicité figure au doit et à l’avoir : en recettes, pour les murs de leurs salles d’attente, les cloisons de leurs wagons et même l’envers de leurs cartes d’abonnés, qu’ils afferment à des entreprises d’annonces ; en dépenses, pour les affiches et les livrets à images, qui célèbrent les sites curatifs ou pittoresques de leurs réseaux.

Les journaux aussi se trouvent à la fois vendeurs et acheteurs de publicité ; ils l’emploient, non seulement à leur naissance et pour fixer l’attention, mais aussi pour la maintenir, pour répéter leur nom, le chiffre de leur tirage, le mérite de leurs rédacteurs, groupés on bouquets alléchans, en cortèges photographiques, autour d’une vignette empoignante du feuilleton en cours. Ceux qui possèdent le plus grand nombre de lecteurs, ceux à qui les annonces rapportent le plus, sont aussi ceux qui dépensent le plus en annonces. Les comptes publiés par le Petit Journal pour le dernier exercice, accusent, du chef de la publicité, un encaissement net de 2 800 000 francs — déduction faite des remises aux courtiers — et un débours de 640 000 francs pour ses propres frais d’annonces. Le coût de ce chapitre est à peu de chose près le même au Petit Parisien, dont les rentrées de même provenance se chiffrent par 1 700 000 francs. Le simple lancement, d’un roman nouveau implique en moyenne 80 000 francs de réclame.

Détail à noter : il n’y a pas un grand organe quotidien qui réalise, sur l’ensemble de son exploitation, un bénéfice égal au produit brut de la publicité ; ce qui revient à dire que, sans elle, tous seraient en perte. On peut d’ailleurs ajouter que, même avec cet appoint, les journaux politiques qui gagnent de l’argent sont rares ; il n’en est guère plus d’une dizaine à Paris, tous organisés