Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/654

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

promenades, à l’entour des menus de restaurant ou des billets de théâtre. On y peut ranger aussi celles qu’un ministre des Finances avait résolu d’apposer, il y a quelque temps, sur les 400 millions de boîtes d’allumettes vendues chaque année par l’Etat. Le ministre évaluait à 5 millions de francs le produit de cette publicité ; il avait des offres sérieuses et estimait assez sagement un pareil revenu préférable à de nouveaux impôts. Un député indigné demanda aussitôt jusqu’où l’on irait dans cette voie et pourquoi l’on n’affermerait pas aussi la publicité des paquets de tabac, des journaux officiels et des murs de bâtimens publics. A quoi l’organe du gouvernement répondit qu’il se bornait pour l’instant aux boîtes d’allumettes, et qu’il dépendait de la Chambre, en s’abstenant de voter des dépenses nouvelles, de ne l’obliger pas à aller plus loin. D’autres législateurs protestèrent ; les uns craignant « que ces annonces profitassent surtout aux gros capitalistes, » les autres estimant « qu’il étail peu conforme à la dignité de l’Etat » de se faire marchand de publicité, bien que personne ne juge indigne de lui de se faire marchand de tabac et d’allumettes. La majorité donna raison au ministre, mais le projet tomba dans l’eau.

Aux prospectus peuvent enfin être rattachés les mille objets gratuitement répandus par les magasins, dont ils célèbrent ou seulement rappellent le nom. La carte chromolithographique, naguère chargée de cet office, fut ensuite abandonnée, parce que l’on remarqua qu’elle allait tout droit aux mains des enfans et… n’en revenait pas. Mais combien d’articles l’ont remplacée : abats-jour ou éventails, écrans ou papiers à cigarette, jusqu’à des miroirs et à des parapluies ! Les distributeurs automatiques des gares, livrant galamment pour 10 centimes une chose qui souvent en vaut 15, et payant en outre une redevance aux compagnies de chemin de fer, sont une réclame analogue.

Pareils bibelots, bons pour les fabricans de biscuits et les distillateurs d’absinthe, ne sauraient propager la marque des industries de luxe. De celles-ci viennent les riches albums, aux allures de guides ou d’agendas, dont les dessins originaux, payés jusqu’à 3 000 francs à des artistes on renom, sont reproduits, tantôt par la simili-gravure, qui donne un attrait documentaire aux vues et aux paysages, tantôt par l’héliogravure, qui communique aux bronzes et aux objets d’art la mollesse et le fondu des contours, par la taille-douce ou la gravure sur bois.