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a des raisons de croire que Du Bellay les composa dans le cours de la troisième année de son séjour à Rome (1557) ; et l’un de ses premiers soins, quand il revint à Paris, fut de les faire imprimer.


III

Les Regrets, qui sont le chef-d’œuvre de Du Bellay, sont un des plus jolis recueils de vers qu’il y ait en notre langue. On y retrouve d’abord ce goût et cet instinct de la composition qui sont décidément, dans l’effort commun de la Pléiade, caractéristiques ou distinctifs du talent de Du Bellay ; et, de même que l’Olive était toute une histoire d’amour, ainsi les Regrets sont le journal, « le papier journal, » d’un voyage entrepris avec allégresse, dont la réalité n’a pas tenu tout ce que s’en était promis le voyageur, et dont les impressions dernières, atténuées ou apaisées par l’habitude, s’illumineraient de la joie du retour prochain. Peut-être un recueil de sonnets ne comporte-t-il pas une composition plus sévère, — non plus qu’un recueil d’Odes ou d’Elégies, — et cette liberté même lui donne-t-elle précisément quelque chose de lyrique. Un peu moins d’ordre ne serait plus de l’ordre ; mais, de lyriques, un peu plus d’ordre ou de régularité les rendrait didactiques. Il y avait trop d’ordre dans la Délie de Maurice Scève, trop de « correspondances » et trop d’intentions. Nous n’en retrouverons plus du tout dans les Amours de Ronsard. Il y a, dans les Regrets de Joachim du Bellay, un ordre facile et léger qui en fait d’abord le charme. Deux ou trois thèmes principaux y alternent, s’y répondent, s’y font valoir musicalement l’un l’autre, je veux dire par leur discordance même ; et ce sont, — à une grande profondeur, presque ignorée du poète lui-même, — la tristesse d’une vie manquée ; et plus apparemment, le regret de la terre natale, avec l’ennui de vivre dans ce milieu romain dont l’aria diffère tant de la « douceur angevine, » et les mœurs ou les coutumes, encore davantage des coutumes ou des mœurs de France.

À ce dernier thème se rapportent les sonnets satiriques sur « les passe-temps de Rome », sur ces « vieux noms, »


… ces beaux noms connus de l’Inde jusqu’au More,


ces noms fameux de Fabius, de Titus ou de Cornélius