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du moins depuis longtemps les mêmes principes qu’aujourd’hui. Mais il était presque seul à le faire, il y a peu d’années encore. Sa persévérance est aujourd’hui récompensée.

La discussion générale a été close : on est passé à celle des contre-projets et des articles, qui probablement sera longue. Le nombre des amendemens déposés forme un volume. Si on les discute tous, on en a pour longtemps ! Mais, que ce soit un peu plus tôt ou un peu plus tard, la Chambre votera le principe de la loi, c’est-à-dire l’obligation pour les congrégations non autorisées de demander une autorisation qu’on leur refusera généralement ; — après quoi, elles devront se dissoudre ; sinon, on les dissoudra de force et leurs membres seront passibles de peines plus ou moins sévères. On verra recommencer l’application des décrets : triste politique, indigne d’un gouvernement libre, qui n’a pas profité il y a vingt ans à la République, qui lui profitera encore moins cette fois.


Nous avons un devoir à remplir envers ceux de nos collaborateurs que la mort a frappés depuis quinze jours. Ils sont nombreux, hélas ! et dans les ordres les plus divers. M. Brunetière a tenu à parler lui-même du plus considérable de tous, M. le duc de Broglie. Il nous reste à rendre hommage à M. Arthur Desjardins, à M. Le Cour Grand-maison, à Mme Caro. Nos lecteurs les connaissent d’ailleurs aussi bien que nous.

Publiciste très distingué, M. Arthur Desjardins était, avant tout, un de ces magistrats de vieille roche, qui honoraient leurs fonctions par leur science, par leur caractère, et par la gravité même d’une vie consacrée tout entière à un travail sans relâche et presque sans distractions. Juriste éminent, il ne s’était pas enfermé dans une spécialité, même très large, et le droit public, le droit international n’avaient pas plus de secrets pour lui que le droit civil et privé. Les derniers articles qu’il nous a donnés traitaient de l’arbitrage, de la Chine et le droit des gens, c’est-à-dire d’une des questions qu’il avait le mieux étudiées et auxquelles il revenait le plus volontiers. Il y était ramené, non seulement par le penchant de son esprit, mais par celui de son cœur, épris de justice et d’équité. La conférence de la Haye l’avait passionnément intéressé, et, s’il se faisait peut-être quelques illusions sur la portée pratique de ses résultats, c’est à l’ardeur généreuse de ses sentimens qu’il faut l’attribuer. Il avait foi dans le progrès par la paix. Sa réputation ne s’arrêtait pas à nos frontières : il était également apprécié et souvent consulté au dehors. Son opinion y faisait