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scrupuleuse attention. Mgr Dupanloup n’avait donc pas su conquérir, malgré ses éminentes qualités, cet assentiment secret qui aurait pu triompher peut-être des résistances du Saint-Père. Aussi, malgré les efforts de notre ambassade, sous le ministère de M. Jules Simon, Pie IX ne voulut-il jamais consentir à l’admettre au sein du Sacré-Collège.

Et cependant, qui mieux que lui comprenait la dignité de l’Eglise ? Quelle âme plus noble et plus haute que la sienne ? Un nouveau pontificat devait permettre à ses amis d’espérer que ses intentions seraient mieux comprises et qu’il serait d’autant plus soumis après la définition de l’Infaillibilité, qu’il y avait paru d’abord plus hostile ; ce fut le cas pour lui, et son éternel honneur. Un jour Lord Odo Russel, depuis Lord Ampthill, que je retrouvai comme ambassadeur à Berlin, après l’avoir connu à Rome comme chargé d’affaires, purement officieux, de l’Angleterre, me dit ces paroles, que je n’ai pas oubliées : « M. Gladstone m’en a un peu voulu de lui avoir écrit que beaucoup d’évêques protesteraient sans doute contre le projet de l’Infaillibilité, mais que tous s’y soumettraient, quand le Concile l’aurait proclamée. C’était pourtant la vérité. » Mgr Dupanloup fut de ce nombre, et l’éclat de sa soumission égala celui de son indépendance antérieure. Il était donc permis d’espérer qu’en raison de ces circonstances, nous pourrions obtenir du nouveau pontificat ce que le précédent nous avait refusé. C’était, à mon avis, une question de temps et d’opportunité. Mais, je devais, avant tout, pour y arriver, avoir l’assentiment de mon gouvernement, sans lequel il m’était impossible d’agir ; et, là encore, il y avait des difficultés, en raison de l’attitude de l’évêque d’Orléans, pendant la période du Seize Mai.

La première fois que j’en parlai à M. Dufaure, quelques jours après ma nomination, il écouta avec une grande froideur mes ouvertures. Il n’opposa pas un refus formel, mais il me fît une réponse dilatoire. MM. Bardoux et Waddington furent un peu plus favorables, mais mon impression très nette fut que, à l’inverse de ce qui se fait d’habitude, c’était par Rome qu’il fallait commencer, et par en bas, comme je l’ai déjà dit, si l’on voulait arrivera un résultat.

J’essayai donc, suivant l’autorisation que m’en avait donnée M. Waddington, de débrouiller l’affaire à Rome même, et lorsque, peu de jours après mon arrivée, je fis mes visites aux membres