Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/803

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
797
L’ENCYCLOPÉDIE.

et cela était nécessaire, encore qu’ils aient été pour la plupart d’assez piètres personnages ; mais il ne s’est pas inquiété de nous parler de ses amis, comme l’avait fait succinctement, mais avec précision, M. Brunetière, dans son Manuel de l’histoire de la Littérature française. Il ne jette pas un regard sur ces salons du milieu du XVIIIe siècle qui ont été les places fortes, les places de sûreté et les places de ravitaillement de l’armée encyclopédique. Ce n’était pas matière étrangère à son ouvrage ; c’en était partie presque essentielle et c’en était ornement autant qu’appui et soutien. C’est la lacune la plus regrettable de ce bon travail. Mais venons aux Encyclopédistes eux-mêmes, puisque c’est d’eux presque exclusivement que M. Ducros a voulu s’occuper.


I


Les Encyclopédistes, c’est-à-dire, encore une fois, la majorité des hommes de lettres, la majorité des « intellectuels, » la bourgeoisie pensante ; du milieu du XVIIIe siècle, les Encyclopédistes ont voulu : 1° changer l’esprit général de la France ; 2° le diriger vers les préoccupations rationnelles, scientifiques et pratiques ; 3° dénoncer les imperfections de la législation et de l’administration française ; 4° détruire la religion chrétienne ; 5° créer une sorte de religion de l’humanité et de la bienfaisance ; 6° ne rien changer à la forme ni au fond du gouvernement de la France, si ce n’est peut-être rendre la royauté un peu plus despotique et irresponsable qu’elle n’était.

Et, sans doute, de leurs intentions et de leurs idées j’en omets quelqu’une et peut-être qui n’est pas sans importance ; mais ce sont bien là les principales. Le fond de l’esprit même des Encyclopédiste est le mépris de la tradition et l’amour de la nouveauté, à peu près quelle qu’elle soit ou puisse être. Ils sont novateurs par instinct et par principes. Ce qu’ils détestent, c’est tout le passé, même quand le passé donnerait raison aux plus vifs et aux plus impérieux de leurs instincts. Ainsi, par exemple, à quoi le XVIe siècle ne s’est pas trompé, l’antiquité est une bonne arme ou un bon auxiliaire contre le moyen âge et ce qui s’ensuit ou semble s’ensuivre. On peut y trouver une philosophie de la nature à opposer à la morale austère et contemptrice