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On peut donc parler de la faillite philosophique, politique et morale de l’Encyclopédie. Elle a beaucoup moins pensé qu’elle ne l’a cru. Mais elle a réuni les connaissances humaines dans un tableau assez vaste, assez clair et très bien ajusté à la commune mesure des intelligences. Elle a été pénétrée d’un esprit d’humanité et de bienveillance pour les meurtris et pour les faibles, qui fait oublier bien des intolérances et des étroitesses. Elle a éveillé, non sans vigueur, l’attention des mauvais esprits, mais aussi des esprits justes, sur des abus crians et des iniquités détestables. Écoutée, elle eût peut-être épargné au pays des secousses effroyables dont nous souffrons encore et dont il est à craindre que nous ne cessions jamais de souffrir. Elle a fait une œuvre bonne et mauvaise, comme sont, à tout prendre, les meilleures des œuvres humaines. C’est assez pour en faire grand cas, outre que le prodigieux labeur des ouvriers qui y coopérèrent, rien que de soi, honore la France. C’est assez pour quelle méritât un historien appliqué, informé, diligent, intelligent et dévoué, et, quelques divergences qu’il puisse y avoir entre M. Ducros et nous, nous ne pouvons, tout compte fait, que le féliciter d’avoir été cet historien-là.

Émile Faguet