Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dès que j’aurai parlé à l’homme de Pichegru… Je souhaite que cela se termine comme vous l’espérez. J’en accepte l’augure et je me flatte bien que vous jouirez de votre ouvrage… L’embarras sera de dégarnir entièrement l’Alsace pour nous porter sur Paris. Il faudra réfléchir à cela. »

La lettre de Montgaillard à Pichegru, dont était également chargé Fauche-Borel, ne mérite pas d’être citée. C’est un long verbiage où, dans un style de basse flatterie, et par un pompeux tableau de la gloire dont le général se couvrira, s’il assure la restauration des Bourbons, on l’excite à passer au Roi avec son armée. « J’ose vous assurer, général, dit le tentateur en finissant, que les émigrés faisant partie de l’armée du prince étonneront l’armée que vous commandez, en s’y ralliant, par la cordialité et l’union avec lesquelles ils se confondront avec vos officiers. Ce sont des larmes de tendresse que vous verrez répandre par tous les émigrés. »

Autrement important est le programme des récompenses et engagemens, joint à la lettre. « Le général sera créé sur-le-champ lieutenant, général dus armées du Roi, maréchal de France à l’arrivée du Roi à l’armée et grand-croix de Saint-Louis. Il aura pendant toute sa vie le commandement en chef de l’Alsace ; il jouira, tant qu’il vivra, du château et parc de Chambord avec huit pièces d’artillerie. Il jouira de deux cent mille livres de pension annuelle et viagère, dont la moitié réversible à sa femme, le quart à ses enfans, de mâle en mâle, jusqu’à extinction de postérité. Une pyramide sera dressée à l’endroit où se trouve l’armée du général et portera cette inscription : Pichegru sauva la monarchie française et donna la paix à l’Europe. Arbois, sa ville natale, sera exempte de toutes impositions pendant dix ans ; elle prendra le nom du général. Il y aura sa statue ; une médaille sera frappée en son honneur. Il aura sa sépulture à Saint-Denis. On lui donnera un hôtel à Paris, un million en espèces. Les officiers de son armée conserveront leurs grades et traitemens, ceux qu’il leur conférera, sauf celui de maréchal de France, les récompenses pécuniaires qu’il leur accordera ainsi qu’aux représentais du peuple. Les amnisties qu’il prononcera seront reconnues et confirmées. Les villes qui ouvriront leurs portes seront exemptées d’impositions pendant trois ans. Enfin, les commandans chargés de la défense des places et qui les rendront au Roi jouiront d’une pension de vingt-quatre à vingt-cinq mille livres, suivant