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sinon la consécration d’une politique d’entente avec l’Église sur les sujets qui intéressent à la fois l’Église elle-même et l’État ? De son application intelligente et loyale résulte toute une politique. L’a-t-on suivie dans ces dernières années ? Non, à coup sûr ; on n’a suivi ni celle-là ni aucune autre ; on n’en a suivi absolument aucune. On a laissé croître et se multiplier les congrégations sans paraître s’en apercevoir, sinon s’en préoccuper, sauf à procéder contre elles par des actes de force intermittente, comme on l’a fait en 1880, et comme on propose de le faire encore aujourd’hui. M. Ribot a montré qu’à la veille même de la discussion de la loi, loi qui était pourtant rédigée et déposée depuis plus d’une année, on ne savait rien dans nos divers ministères sur le nombre des congrégations existantes, ni sur le chiffre de leurs biens immobiliers. On en a été frappé tout d’un coup ; on a fait jouer le télégraphe ; on a demandé des renseignemens immédiats, et le ministère des Finances a improvisé et bâclé une nomenclature qui restera un monument d’ignorance à la fois et de présomption administratives. Le ministère a espéré peut-être que le volume qu’il a distribué se défendrait par sa masse, et que personne n’aurait le courage de le lire ; mais M. Ribot l’a eu. Peut-être ne l’a-t-il pas poussé jusqu’au bout : quelques investigations dans ce dédale obscur lui ont suffi pour apporter à la lumière de la tribune un certain nombre de bévues, de contradictions et de non-sens qui suffisaient à juger et à condamner le travail tout entier. Toutefois, ce n’est pas pour arriver à cette conclusion que M. Ribot a pris la peine d’éplucher la statistique officielle, mais pour montrer qu’on ne savait rien d’exact sur les congrégations religieuses, qu’on en parlait à l’aventure, et qu’on ne s’était occupé d’elles qu’au moment précis où, pour des motifs d’ordre purement ministériel, — c’est-à-dire parce que M. Waldeck-Rousseau avait voulu donner à sa majorité une satisfaction du plus grossier aloi, — on avait entrepris de les supprimer. Y a-t-il là trace d’une politique suivie ? A-t-on fait du Concordat et de l’esprit qui en dérive l’usage qu’on aurait pu en faire ? Non, incontestablement. On se plaint que les congrégations pullulent : à qui la faute ? L’État avait des moyens de surveiller et de limiter leurs développemens, et il ne s’en est pas servi. Ce n’est pas par un accès d’impatience et de colère qu’on réparera en un jour une longue négligence. Il faut revenir à la politique qu’on aurait dû suivre et qu’on a abandonnée.

Cette politique doit s’inspirer avant tout de l’intelligence des temps où nous sommes. Nous ne sommes plus avant la Révolution, c’est-à-dire à une époque où l’Église faisait en réalité partie de l’État, et où