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d’un groupe socialiste peu important par le nombre, — il se compose de cinq personnes, — mais qui, lorsqu’il faudra faire de l’obstruction, ne le cédera à aucun autre. Ces socialistes d’une espèce particulière sont violemment nationalistes. Il semble que le caractère international de leur parti devrait les rendre un peu indifférens aux luttes de nationalités, qui sont si ardentes en Autriche : mais, avant tout, ils ont songé à être élus, et ils ne pouvaient l’être en Bohême qu’à la condition de se montrer nationalistes forcenés. Ils se sont distingués, le premier jour, en criant à tue-tête : « Vous êtes tous des ânes, fermez votre maison de tous ! » Les pangermanistes n’ont pas voulu être en reste de manifestations inconvenantes, et, lorsque le président d’âge a cru devoir exprimer des regrets sur la mort de la reine Victoria, ils ont crié : « A bas les Anglais, vivent les Boers ! » croyant par-là, dit-on, exprimer les sentimens des Allemands du Nord avec lesquels ils rêvent de fusionner. Cette première séance en promet d’autres qui ne manqueront pas de chaleur. Pour le moment, les partis font trêve, mais une trêve probablement très courte, devant le discours du trône, où le vieil empereur fait appel à l’esprit de bienveillance et de concorde qui devrait animer les membres d’une même patrie. Il prodigue les bons conseils, et aussi les objurgations et les prières. En même temps il demande au Reichsrath de voter quelques mesures en vue de rendre plus pratique l’usage de l’article 14 de la constitution, cet article qui lui permet de gouverner en dehors du parlement. Nous doutons que le Reichsrath s’inspire des vœux du vieux souverain, soit dans le premier cas, soit dans le second. Et alors, qu’adviendra-t-il ? C’est le secret de l’avenir, mais d’un avenir peut-être très prochain.


En Italie, la crise est moins grave : il ne s’agit que d’un ministère renversé, et aussi de savoir comment on le remplacera. Le roi Victor-Emmanuel III en est à sa première expérience de ce genre. Il s’est orienté très nettement vers la gauche : cela vaut mieux sans doute que s’il n’avait su prendre aucun parti, et si, au moyen d’un ministère habilement dosé d’élémens de gauche, de droite et du centre, il était resté dans l’indétermination.

Tel était le caractère du cabinet qui vient de tomber. Par les qualités de son esprit, qui a plus de finesse et de ressources que de résolution, et aussi par son grand âge, M. Saracco était bien fait pour une de ces combinaisons complexes, ou plusieurs partis sont représentés et se tiennent dans un équilibre si parfait qu’ils se condamnent les uns les