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leur est posé ; la discipline entre leurs mains cesse d’être aveugle ; plus qu’autrefois ils se proposent comme objectif non pas seulement de meubler un jeune esprit, mais, avant tout, de former un caractère.

Une véritable révolution est en train de se produire dans les moyens pédagogiques : on écartera les méthodes trop sèches, on commencera, dès le premier âge, l’éducation de la volonté. C’est aussi l’éducation des parens qu’il faudra entreprendre, afin qu’ils conçoivent leurs responsabilités d’une façon plus large ; car ce qu’ils ont à faire n’est pas d’élever leurs enfans précisément comme ils ont été élevés eux-mêmes dans un temps qui n’est plus, mais en tenant compte des idées et des tendances qui seront inévitablement celles de la génération suivante, et en préparant par une intelligente culture l’avenir de cette génération. Ainsi le père de famille aurait tort désormais de se refuser à faire pour l’éducation de sa fille les mêmes sacrifices qu’il a faits pour celle de son fils, sous prétexte que les hommes ont seuls besoin de s’ouvrir une carrière. Le travail ennoblit la femme autant que l’homme et, faute du genre d’indépendance qu’il procure, la jeune fille court des risques plus grands que ceux qui peuvent menacer son frère.

Notre siècle est par excellence un siècle d’apprentissage ; les parens doivent coopérer étroitement avec les maîtres pour diriger l’enfant vers de certaines fins sans rien laisser au hasard. Cela ne veut pas dire qu’il convienne de le bourrer d’idées toutes faites ; au contraire, on le laissera digérer les idées présentées à son intelligence et se les assimiler lui-même.

Le point important, c’est que le tout petit enfant soit entouré de guides aussi compétons que pourront l’être par la suite ses autres professeurs. Les dévouemens aveugles, les tendresses doublées d’ignorance lui sont funestes. Une fois pour toutes on l’a reconnu ; et néanmoins les parens les plus éclairés détournent trop souvent de son véritable sens le mot de Frœbel : « Vivons pour nos enfans. » En exagérant l’aide extérieure qu’ils prêtent sans cesse à ceux-ci, ils gênent le développement général de leur nature. Le plus petit est tenu, d’aborder et de vaincre tout seul ses propres difficultés, de supporter la conséquence de ses propres erreurs ; en lui rendant le chemin trop facile, soif pour l’étude, soit dans la vie de tous les jours, on énerve chez lui des qualités précieuses d’énergie et de persévérance. L’enfant, environné d’une