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admettent maintenant les femmes. Il n’y a de différences que pour le genre de vie : tantôt les étudiantes demeurent en ville, comme à l’Université de Michigan, tantôt dans les bâtimens qui leur sont attribués par l’université, comme à Chicago ou à Cornell. De très bons juges affirment que la coéducation procure aux femmes une vie plus normale que ne le ferait l’isolement entre elles. C’est d’ailleurs, dans l’Ouest surtout, la simple continuation du régime de l’école. Mais, pour ce qui concerne la coéducation durant toutes les phases de cette école elle-même, la discussion devient très vive au Congrès international de Londres. Une dame déclare que l’être humain idéal n’est pas nécessairement homme ou femme. La part que les deux sexes ont en commun étant la plus noble, on doit précieusement la maintenir. Est-ce-que dans chaque famille filles et garçons ne sont pas mêlés ; pourquoi contrarier l’ordre de la nature ?

— Mais, reprend une autre, la nature elle-même suscite une réserve instinctive entre enfans de différens sexes à mesure qu’ils grandissent, réserve à laquelle s’ajoute chez les garçons un dédain habituel pour ce qui est du domaine des filles. Ceci peut servir d’argument en sens contraire.

Une considération en faveur des écoles mixtes, c’est le besoin, urgent à notre époque, de créer entre garçons et filles cette camaraderie harmonieuse et fraternelle qui exclut généralement des émotions plus tendres. A cela on répond que, quoique égaux en dignité, en importance, même en valeur intellectuelle, l’homme et la femme diffèrent en leurs modes d’activité mentale, chacun des sexes ayant des caractéristiques qui doivent être préservées par une éducation différente.

La Suisse est pour la coéducation ; elle admet que l’imitation d’un sexe par l’autre serait fort regrettable, mais il n’y a pas à craindre que les jeunes filles persistent dans l’affectation passagère d’allures masculines. C’est là un travers dont se gardera la femme nouvelle, lorsqu’elle aura dépouillé le préjugé, tenace encore, de l’enviable prééminence de l’homme. La question est celle-ci : comment l’intelligence féminine peut-elle être le mieux cultivée ? Faut-il la reléguer dans un temple, même brillamment éclairé, ou bien ramener à la lumière du jour pour jouir librement du soleil ? Une éducation séparée place l’enfant dans un monde factice, composé de ses pareils seulement, et ne le prépare que théoriquement aux associations futures.