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Marceau, datée de Simmeren le 12 brumaire (3 novembre), qui lui annonce que son intention est de s’avancer sur la Nahe. Cela me rassure un peu. Mais il est indispensable que tu lui donnes des forces suffisantes, sans quoi, nous serons battus alternativement. Depuis trois jours, l’ennemi est assez tranquille sur Mannheim ; il perfectionne sa contrevallation. Je crains que Wurmser ne fasse un passage sur mes derrières ; il a des forces suffisantes. »

Ainsi, Jourdan ne saurait alléguer qu’il n’a pas été prévenu. Il sait que Pichegru compte sur lui et ne peut compter que sur lui. A quel mobile obéit-il en ne venant pas à son aide ? En est-il empêché par l’état de son armée ? Est-ce qu’obligé, comme il le prétend, de couvrir les places de la Meuse, la Belgique et le Luxembourg, — il semblerait cependant que ce soin doive incomber à l’armée du Nord à laquelle, au même moment, il demande des secours, — il ne peut veiller à celles de la Sarre ? Toujours est-il qu’il laisse Pichegru en tête à tête avec l’ennemi. Du 10 au 13 novembre, l’armée de Rhin-et-Moselle subit des attaques ininterrompues sous les murs de Mannheim, que convoitent les Autrichiens commandés par Kray. Nos troupes accomplissent des prodiges à Frankenthal, à Turkheim, dans les gorges de Kayserlautern. Desaix, qui commande l’avant-garde, se bat comme un lion. Plusieurs généraux sont blessés ; le général Decaux est fait prisonnier. La 5e division, sous les ordres de Beaupuy, la neuvième, qu’entraîne Renaud, résistent héroïquement. Les chefs électrisent par leur exemple les soldats, qui meurent de faim. « Ils se battent à jeun. Après s’être battus tout le jour, ils n’ont pas, le soir venu, un morceau de pain à manger. » Malgré cela, ils se battent bien, c’est Pichegru qui l’affirme.

Lui-même reçoit, dans une lettre saisie sur une estafette ennemie et qui a pour auteur un officier autrichien, l’hommage qu’a mérité sa bravoure. « A Frankenthal, écrit cet officier, nous avions affaire à un grand général. La retraite fut un chef-d’œuvre d’art militaire. Notre cavalerie ne put en venir aux mains à cause des positions avantageuses que sut prendre l’ennemi. Il nous fait acheter cher tous les pas que nous faisons en avant. Le fort de Mannheim est à nous ; nous n’y trouvons que cinq hommes ; l’ennemi se retire ; à temps de ce fort. Nous sommes maîtres de Madenheim et nous voyons encore des avant-postes français à Musbach. » Mais que peut tant d’intrépidité