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qui ne serait certainement plus soumise aux lois générales de l’Empire. Elle préférait donc surseoir, en appeler simplement aux grandes Cours et se faire même un mérite auprès d’elles de sa déférence et de ses lenteurs.

La Serbie et la Grèce se voyaient beaucoup plus atteintes, non pas dans leurs possessions effectives, mais dans l’influence de leurs races, par la concentration des groupes bulgares. Elles disaient, et non sans raison, que l’accroissement de la Principauté romprait l’équilibre des États chrétiens dans la péninsule des Balkans, et qu’en doublant le chiffre des populations confiées sous une forme quelconque à l’administration du prince Alexandre, on assurerait aux Bulgares des forces réelles et des ressources de propagande funestes à la situation des deux royaumes. On réclamait donc hautement, à Athènes et à Belgrade, soit le maintien du statu quo, soit des compensations légitimes, et la fièvre patriotique y était arrivée sur-le-champ à une telle intensité que l’on prenait ouvertement des dispositions militaires sans écouter les représentations prodiguées par les Cours. Loin d’attendre, comme on l’avait cru, ce que ferait la diplomatie, les Serbes et les Grecs, se déclarant diminués par l’accroissement d’un État voisin et surtout par la cohésion d’une race rivale, repoussaient d’avance toute solution favorable aux Bulgares.

La Serbie était cependant alors plus impétueuse que la Grèce, et aussi mieux préparée pour une action soudaine. Bien que la cause des deux pays fut la même en principe, chacun d’eux se trouvait dans des conditions géographiques et militaires spéciales. Leurs champs de bataille et leurs adversaires étaient distincts. Les Serbes prétendaient s’agrandir aux dépens de la Principauté ; ils se regardaient comme prêts, et en mesure de lutter facilement contre le prince Alexandre : leur entreprise leur paraissait donc avoir d’autant plus de chance de réussir qu’elle serait immédiate. Les Grecs, au contraire, qui convoitaient des territoires turcs, devaient se trouver en présence de l’armée ottomane, ce qui était bien différent : ils avaient, par conséquent à poursuivre des préparatifs financiers et militaires fort coûteux et prolongés. La Grèce, État ancien déjà, gouverné par des hommes expérimentés, par un Roi allié aux grandes familles royales de l’Europe, était tenue à montrer plus de mesure et à ne pas engager des intérêts aussi considérables que ceux de