Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Alexandre, l’effervescence populaire et l’émotion du gouvernement se développèrent avec une inquiétante intensité. On n’admettait pas d’autre alternative que l’attribution à la Grèce d’un accroissement parallèle, ou une guerre entreprise pour le conquérir. Ces dispositions s’accusèrent plus énergiquement encore, quand on apprit l’intention des Puissances de tolérer, sous la forme d’une administration temporaire, l’annexion réelle de la Roumélie à la principauté bulgare. On ne parlait dans Athènes que de la lutte prochaine contre la Turquie pour lui enlever tout au moins l’Epire, jadis octroyée au royaume par les actes de Berlin : l’effectif militaire s’augmentait de jour en jour, des troupes nombreuses se dirigeaient vers les points stratégiques ; et, si onéreux qu’ils fussent, les sacrifices exigés par les circonstances étaient acceptés partout avec une satisfaction bruyante. En pressant la réunion des contingens, en consacrant toutes les ressources aux achats d’armes et de munitions, en affirmant la légitimité des prétentions hellènes et la volonté de les soutenir de vive force, le ministère présidé par M. Delyannis répondait évidemment au vœu unanime de la nation.

C’était donc par la Grèce que la paix était désormais compromise, et beaucoup plus sérieusement qu’en 1881 : alors, en effet si les Hellènes devaient renoncer à l’espoir d’annexer l’Epire, ils avaient, pour se consoler, la réunion de la Thessalie : maintenant, au contraire, le succès de leurs rivaux n’était compensé par aucun avantage. Nos craintes se concentraient sur Athènes avec d’autant plus de raison que la Turquie se montrait cette fois résolue à se défendre, et qu’une agression contre l’empire ottoman peut toujours être le point de départ de complications fort périlleuses. On devait en conséquence mettre en œuvre les ressources de la diplomatie pour calmer les Grecs, les rassurer autant que possible sur les suites de la transaction rouméliote, et les détourner d’une aventure qui, selon toutes les apparences, leur serait plus nuisible que la nouvelle organisation des groupes bulgares.

Il était malaisé d’y parvenir par la discussion théorique : sur ce terrain, les Grecs gardaient l’avantage. Ainsi que M. Delyannis le faisait remarquer dans ses circulaires, le droit des traités exigeait le maintien du statu quo ante, et, quant au principe des nationalités, on ne pouvait, l’appliquant aux Bulgares, en refuser le bénéfice aux Epirotes. Ce raisonnement était irréfutable, mais