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circonstances, qui seraient les plus fortes. » M. Tricoupis, au nom de l’opposition, affirmait « la pairie en danger » et aussi « l’impérieux devoir de défendre les droits imprescriptibles de l’Hellénisme. » On prétendait porter les contingens au chiffre de 80 000 et même de 100 000 hommes ; on négociait de nouveaux emprunts. Les conseils de patience et de prudence, présentés, il faut le dire, d’une manière peu engageante, et dont la plupart des Cours ne laissaient que trop pressentir le caractère comminatoire, étaient paralysés par les ironies et les exhortations ardentes de la presse, contrecarrés par les défiances de tout un peuple qui ne consentait pas au triomphe des Bulgares, ses ennemis héréditaires dès le temps de l’Empire byzantin. Nos paroles se perdaient dans le bruit.

En présence d’un tel état de choses, aggravé encore par les instances de la Porte, qui rassemblait ostensiblement des troupes considérables sur la frontière, les Cabinets jugèrent que le moment était venu de corroborer l’action quotidienne de leurs agens par un avertissement plus solennel. Cette pensée était juste, mais la forme qui fut adoptée devait plutôt indisposer les Grecs que les persuader. Comme les négociations engagées entre Serbes et Bulgares pour le rétablissement officiel de leurs relations traînaient en longueur, on décida d’adresser des observations péremptoires a. Solia, Belgrade et Athènes dans un document identique. Or, l’on confondait ainsi deux affaires très différentes : on usait des mêmes expressions envers les Bulgares, qui avaient audacieusement troublé la paix et discutaient l’étendue de leurs bénéfices, et les Grecs, qui n’avaient encore rien entrepris, dont les réclamations étaient fondées sur les actes de Berlin, et qui méritaient, à ce double litre, des égards particuliers, d’autant plus qu’on faisait appel uniquement, et les mains vides, à leur résignation.

M. de Freycinet eût souhaité qu’on ne fût pas entré dans cette voie, et qu’on eût envoyé à Athènes une note spéciale, rédigée avec vigueur, mais en termes sympathiques. Une communication ainsi appropriée aux circonstances eût été en effet appréciée par les Grecs, qui eussent pu y voir un témoignage d’intérêt pour leurs épreuves. Le style impérieux de la note s’appliquait bien aux prétentions abusives des Bulgares, mais non point aux Hellènes déçus. Les Puissances, animées du louable désir d’en finir avec des difficultés importunes, prétendaient