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Naturellement, je le lus plus qu’à l’ordinaire, ce jour-là. Je dis cependant à peu près tout ce que j’avais l’intention de dire, grâce aux notes qui m’empêchaient de perdre le fil. Mais, étant fort troublé, je m’exprimai avec un accent de timidité qui, me dit-on ensuite, acheva d’exaspérer contre moi M. Thuillier, parce qu’il accentuait davantage mes objections.

Je n’essayerai pas de résumer ici mon rapport à la section, puisque je vais reproduire plus loin celui que je fis à l’assemblée générale. J’en rappellerai seulement quelques passages qui ne se retrouvent pas dans ce dernier rapport. Je donnai lecture du projet de décret, du rapport très succinct du Ministère, ainsi que d’une note écrite par le Maréchal lui-même pour expliquer ses motifs. Le Maréchal y disait, entre autres choses, qu’il se proposait de nettoyer les étables d’Ogias (sic). Pendant la discussion je dus passer cette note à quelques conseillers qui me la demandèrent pour la relire ; quand elle me revint, le mot Ogias, écrit à la fin d’une ligne, avait disparu, emporté par un coup d’ongle secourable.

« La Franc-Maçonnerie, disais-je, n’est pas sans doute une société secrète, mais c’est une société à secrets. Or, l’État ne peut reconnaître que ce qu’il connaît. » Laissant de côté les doctrines secrètes de l’Association maçonnique, j’ajoutai que les doctrines ouvertement professées par elle étaient inquiétantes. « Elle proclame son respect pour tous les cultes, mais derrière ce mot elle laisse apparaître l’indifférence et même le dédain pour toutes les religions positives. Elle prescrit le travail et elle interdit l’oisiveté volontaire. Mais elle garde le silence sur la propriété. L’admet-elle ? Ne prétend-elle pas condamner celle qui n’est pas le fruit direct du travail ? Cette conséquence n’est pas formellement écrite dans ses statuts, mais il est facile de l’en faire découler, et il semble que déjà quelques Loges, non désavouées par le Grand Orient, condamnent ouvertement l’hérédité, voire même la propriété. Dans un pays où les mœurs, les lois, la Constitution regardent la religion, la propriété, l’hérédité, la libre disposition des biens, comme les bases de l’organisation sociale, le gouvernement peut-il accorder son patronage officiel à une Association qui semble répudier ces bases ? »

Ma conclusion fut que, tout en respectant dans la Franc-Maçonnerie la liberté de la pensée et même la liberté du culte, — car cette Association a son culte et ses rites qu’elle célèbre dans le