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d’une si parfaite délicatesse. Le cachet ordinaire se nomme tra, mais, plus le personnage est important, plus son sceau augmente de grandeur dans des proportions considérables. Il y a aussi les marchands de bouddhas tout dorés, debout dans l’attitude de la prédication, assis dans l’attitude de la méditation ou de la prière, ou couchés dans l’attitude du repos final, le « nirvana. » Ces statues sont achetées par les fidèles, pour être offertes aux bonzes dans les pagodes. Cet acte constitue une œuvre méritoire entre toutes.

Les marchands de boissons de toutes sortes et de toutes couleurs sont réjouissans à regarder ; des verres remplis, dans lesquels flottent des filets de fruits jaunes ou rouges, ont des mines fort rafraîchissantes ; mais la saleté de ce bon peuple ôte absolument l’idée d’y tremper ses lèvres. On prétend que le thé avec une pointe de jasmin odorant est très agréable et meilleur que tout autre. C’est la même fleur de jasmin que les Européens mettent dans les lavabos de table, quand ce n’est pas la fleur d’ilang-ilang. Les marchands d’oiseaux étalent de superbes collections aux plumages étincelans : on y remarque surtout le petit bénédictin, qui, par un rare privilège, unit un charmant ramage à un magnifique costume. La poule russe est jolie à voir ; on dirait un paquet d’édredon blanc. Un arbre ravissant ombrage la boutique, c’est le poinseana, une légumineuse comme le flamboyant et le mimosa. Ses bouquets de fleurs rouges ou jaunes sont souvent utilisés dans, les garnitures de table ; car les indigènes ont un talent particulier pour les décorations florales.

Dans le bazar, enfin, on rencontre tous les costumes et tous les peuples réunis : les Chinois en longues tuniques, tout de bleu vêtus ; les Indiens au nez aquilin, à la barbe touffue sous la calotte de paille ou le turban, dans leurs robes multicolores ; les Birmans au chignon relevé, au foulard de soie rose tordu autour du front ; les Cambodgiens et Cambodgiennes aux cheveux taillés en brosse comme Siamois et Siamoises ; les Malais au visage sombre, et nos petits Annamites avec la robe notre aux reflets habituels de la percaline glacée. Mais l’élément qui domine est le Chinois. Les trois quarts des boutiquiers et des passans sont des Célestes, qui se trouvent ici comme chez eux, et mieux même que chez eux, car ils sont moins pressurés. Le Sam-Pheng (le bazar) leur appartient. Ils en ont fait une succursale de Canton et d’Amoy d’où la plupart sont originaires. Ils y ont transporté