Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

servait toujours d’interprètes pour converser avec les princes et les représentais étrangers. Aujourd’hui, il s’exprime volontiers eu toutes circonstances dans la langue d’Albion.

C’est pendant les courses de Bangkok que je suis présentée au roi et à la reine actuelle par notre consul, M. Hardouin. Leurs Majestés occupaient un élégant, pavillon élevé sur l’esplanade qui précède le palais. Elles étaient entourées des princes et des enfans royaux. Les journaux mentionnent la grâce avec laquelle je suis accueillie. Notre conversation, qui route sur mon voyage et sur les ruines d’Angkor, sur Java et le temple de Bourouboudour que le roi vient de visiter, fait l’objet de leurs commentaires. Les photographies de Leurs Majestés m’ont été envoyées avec dédicace.

La course de chevaux est suivie, comme souvent en Orient, de fantaisies comiques, courses simultanées de tous animaux : coq, poule, éléphant, tortue, jeune ours, chien, que sais-je ? Puis d’autres courses encore, burlesques au possible : les concurrens partent, emportant à la main des sacs de toile dans lesquels sont enfermés des costumes originaux. Il faut ouvrir le sac, endosser le costume et arriver le premier au but. Siamois et Anglais rivalisent dans ces divertissemens. Viennent ensuite les courses de rîkchau[1], dont les conducteurs ont les yeux bandés et doivent courir dirigés par celui qui est dans le rikchau. Dans tous ces jeux, les Anglais, qui sont très nombreux, et naturellement grands sportsmen, ont la haute main. Ils aident aux plaisirs du roi, ils l’amusent, l’accaparent et le captent complètement.


La pagode de Val Saket, la grande nécropole siamoise, dresse pittoresquement son phnom appelé « montagne d’or » sur un monticule verdoyant, à l’extrémité d’un pittoresque canal : sous ses frais ombrages s’étendent le crématoire, le charnier et l’odieux cimetière, d’où l’on extrait les cadavres pour un dépècement effroyable, conforme aux rites et à la volonté du défunt. Les corps des hauts fonctionnaires sont conservés, un ou deux mois, quelquefois plusieurs années, dans une sorte d’urne munie d’un long tube vertical en bambou qui permet aux gaz délétères de s’échapper par le toit de la maison. Avant de le porter au bûcher, on fait faire au mort trois fois le tour de sa demeure en

  1. Pousse-pousse, djinriksha japonais.