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de guerre à diverses époques depuis le commencement du siècle. Ce ne sont pas des peuples vaincus ; leurs pays n’appartiennent pas au Siam. Nous revendiquons ces prisonniers et leurs descendans qui, normalement, doivent être soumis à notre domination. Si une entente ne peut se faire avec le Siam, l’Indo-Chine doit les reprendre pour repeupler le Tran Ninh et le Luang Prabang. Une clause très explicite de la convention nous le permet. On a déjà menacé les Siamois de cette mesure ; il y eut même un commencement d’exécution qui les a fortement émus. S’ils croyaient réellement à une telle résolution de notre part, ils céderaient sur les questions en litige pour garder les Laotiens chez eux.

Un autre point est à considérer. La rive gauche du Mékong qui nous est concédée est pour une longue région un désert inhabité et sans ressources par suite des dévastations et du dépeuplement opérés par les Siamois. Or, l’Européen ne peut rien par lui-même dans ces contrées : la main-d’œuvre indigène lui est absolument indispensable. Les Anglais ont enlevé au Siam ses provinces du nord, de l’est et de l’ouest de la Salouen. Ils sont maîtres de toute la presqu’île sur le golfe de Pegouan et sur toute la partie ouest du golfe de Siam. Ils viennent encore de régler à leur profit le sort de l’Etat de Raman. Nous nous sommes contentés de nous faire restituer le Laos tributaire de l’Annam. Encore cette restitution n’a-t-elle été que partielle puisque le royaume du Vien-Tian allait jusqu’à Korat.

Cette situation mal définie et instable ne peut se prolonger ; il importe qu’une action soutenue et énergique amène le roi de Siam à conclure que tous ses intérêts lui dictent une entente avec nous et une étroite union avec l’Indo-Chine française. Les populations des deux pays, ainsi que l’a très justement et très sagement déclaré à Saigon l’envoyé siamois, en mars 1899, ne doivent faire qu’une même famille. D’un jour à l’autre, en effet, nos protégés peuvent être appelés à posséder la majorité numérique dans la population siamoise. Que notre politique, à la suite de quelque massacre comme celui de Kouang Chang, nous amène à nous emparer de Haïnan, la grande majorité des Chinois du Siam venant de la province de Canton, du Ko-Kien et d’Haïnan, nos 15 000 protégés chinois actuels seraient augmentés de plusieurs centaines de mille. Les Indous, les Birmans et les Shans relevant des Anglais, les Siamois se trouveraient abso-