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méprise, qu’il n’existe pas. Autant de fantoches, dont la silhouette indiquée d’un dessin joli et spirituel a le défaut d’être toute conventionnelle et d’avoir été déjà vue à satiété. C’est Brassac, dit Bébé, le banquier pour femmes entretenues, l’un des hommes les plus « chic » de Paris ; le commissaire de police qui reste dans l’exercice de ses fonctions un homme du monde ; Le Roussel, celui qui trouve une volupté particulière à donner de l’argent aux femmes ; Plesnois, le mari amené par des calculs d’une précision toute mathématique à la certitude qu’il ne peut pas être trompé ; Pervenche, la cocotte férue de l’idée du mariage : « Il faut vous dire que je n’avais qu’un rêve, c’était de me marier… Parce que je trouve que pour une femme il n’y a rien au-dessus du mariage… C’est cette idée qui m’a perdue… » Tous ces gens-là ne sont guère intéressans ; mais ils ont de l’esprit et ils en font, à propos d’eux-mêmes, à leurs propres dépens et sur leur cas.

En dépit de l’auteur, le sujet, suivant sa logique intérieure, risque à chaque instant de se heurter au drame. Donc il faut que l’auteur intervienne violemment et qu’il nous rejette, au prix des plus énormes invraisemblances, dans un courant de bonne humeur. Hélène est à bout de ressources, elle aime son mari ; pour lui épargner la prison, elle a besoin de trois cent mille francs : un homme, très épris d’elle, lui offre ces trois cent mille francs, en mettant seulement cette condition qu’elle lui témoignera quelque reconnaissance. Qu’arrivera-t-il ? Rien qui puisse alarmer l’honnêteté, affirme M. Capus dans une scène qui a plu par une note aimable de sensiblerie ! Autre exemple. Un filou, qui a eu l’imprudence de repasser la frontière et de revenir de Belgique en France, est pincé par la police et mis par elle en sûreté. Que peut-il espérer ? Le bagne ou la maison de réclusion. M. Capus s’empresse d’envoyer à son secours une comtesse chilienne éperdument amoureuse et abondamment millionnaire.

Comme enfin presque tous ces personnages suent la vilenie, et qu’il faut nous empêcher de réfléchir, l’auteur est aussi bien forcé, pour attraper la drôlerie, de la chercher dans la bouffonnerie. Le deuxième et le cinquième tableau, celui du bar et celui de la prison, sont de pure farce. Et malgré tant d’efforts, cette pièce n’est pas gaie. Non, ces gens ne nous font pas rire. Non, ils ne nous intéressent ni ne nous amusent. Nous n’arrivons pas à prendre notre parti de cette sorte de continuelle dissonance à laquelle l’auteur a cru pouvoir nous soumettre et qui ne sert qu’à nous irriter. Ayant choisi un sujet de comédie dramatique, il l’a traité en vaudeville. Il n’a fait ni un drame,