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traité, qu’a fait l’électeur de Cologne[1]. » C’est le biais ingénieux qu’il a trouvé pour « s’engager avec Sa Majesté, » tout en pouvant, de retour à Munster, « jurer à son chapitre qu’il n’a rien signé avec Elle. »

Ce traité de ligue offensive, — comme s’intitule l’acte officiel, — a pour but essentiel « d’abattre l’orgueil et la conduite insupportables que les États des Provinces-Unies tiennent envers tous les potentats et princes de la chrétienté, et surtout envers leurs voisins[2]. » Les deux princes-évêques sont tenus de fournir pour cette guerre un corps de 18 000 hommes, ainsi que certaines quantités de vivres et de munitions. Louis XIV, en retour, doit joindre à l’armée des prélats 2 000 hommes à cheval et 4 000 hommes d’infanterie, qui feront campagne avec eux. Il leur promet de plus d’importans subsides en argent, sans compter, selon l’occurrence, « certains agrandissemens de territoire aux dépens de la Hollande[3]. » La lettre où Louvois analyse les conventions ainsi réglées se termine par cette phrase : « Il est absolument nécessaire que le général que Votre Majesté ; aura choisi se rende immédiatement près d’eux pour réveiller leur lenteur et éclaircir leur ignorance. » L’homme de confiance désigné par le Roi pour cette besogne délicate fut le duc de Luxembourg[4], récemment rentré au service avec le grade de lieutenant général. Ses lettres, conservées aux Archives de la Guerre, nous font connaître, avec une verve humoristique, tous les détails de sa mission.


VI

Luxembourg arrive à Cologne dans les derniers jours de janvier. Il paraît, comme Louvois, s’être fait illusion d’avance sur la

  1. Louvois au Roi, 10 janvier 1672. — Arch. de la Guerre.
  2. Arch. de la Guerre. — Le traité, bien que signé le 4, porte la date du 2 janvier 1672.
  3. Histoire de Louvois, par C. Rousset.
  4. François de Montmorency-Boutteville, duc de Luxembourg, né en 1628, maréchal de France en 1675, mort en 1695. — Une lettre de Chamilly au prince de Condé fournit quelques détails sur cette désignation. Le Roi, dit-il, « donna aux évêques à choisir entre les maréchaux de Créqui et de Bellefonds et les ducs de Duras et de Luxembourg. » Les évêques représentent que la qualité de maréchal des deux premiers et de duc et pair des deux autres « serait embarrassante, parce qu’ils prétendraient commander, et que M. de Munster voulait être présent et commander à tout ce qui se ferait, » et ils réclament le comte de Chamilly. » « Que diable avez-vous fait à ces évêques pour vous aimer tant ? » demande Louvois à Chamilly, et, nonobstant toutes les instances, il propose au roi Luxembourg. Lettre du 12 janvier 1672. — Arch. de Chantilly.)