Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/602

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la ville de Cœvorden, le plus brillant fleuron de sa couronne. Cinq cents hommes de ses troupes, hâves, affamés, dénués de tout, se rendent sans brûler une amorce à une poignée de Hollandais[1].

De ces échecs, de ces humiliations, il accuse, comme on pense, tout le monde excepté soi-même. Les relations et les correspondances le représentent dès lors comme une sorte de fou furieux, faisant trembler ceux qui l’approchent, jurant et blasphémant sans cesse « à la mode de son pays. » Les voisins qu’il dévaste ne sont point seuls à pâtir de cette rage ; ses sujets à leur tour en reçoivent de dangereux éclats. Il affirme un beau jour avoir découvert dans sa ville « une grande conspiration » contre lui-même et contre son armée. Des notables, des magistrats, même des officiers de haut grade, sont soupçonnés d’y avoir part. « J’ai été informé aujourd’hui par M. de Munster, mande Turenne à Louvois[2], que l’on découvre tous les jours des complices de la conspiration qui se faisait dans Munster, tant entre les bourgeois qu’entre les gens de guerre. » Par ordre de Galen, ou arrête en masse et pêle-mêle tous ceux qu’il juge suspects d’opposition ou de froideur. Les prisons de Munster regorgent de victimes ; et, sans instruire l’affaire, sans procédure et sans jugement, l’échafaud est dressé ; sur la place de la ville. « Le lieutenant-colonel Fidnack, — mande l’évêque à Louvois, par la plume de son secrétaire, — le principal auteur de la conspiration, a été exécuté ce matin… Son Altesse m’a ordonné de vous apprendre que cet exécrable parricide (sic) a eu la tête tranchée, le corps coupé en quatre pièces, qui ont été pendues aux quatre portes de la ville de Munster, la tête mise sur une pique et promenée par les rues. Les autres complices le suivront de près[3]. » Quant au procès des suppliciés, on le fera « plus tard, » lorsqu’on saura « comment la cour de Vienne a pris cette manière d’exécution[4]. » Ces mêmes lettres où le tyran se vante de ces atrocités se terminent par d’humbles suppliques, pour obtenir de Louis XIV, « en témoignage d’estime et d’amitié, » des secours d’argent pour son frère, le baron de Galon, et pour

  1. Correspondance de MM. de Duras, de Chamilly, de Renel, etc. Arch. de la Guerre.
  2. Lettre du 7 mars 1673. Arch. de la Guerre.
  3. Lettres du secrétaire de M. de Munster, de mai 1673. Arch. de la Guerre.
  4. Ibid.