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enlevèrent par la loi toutes les jeunes filles aux religieuses. Rien n’était prêt pour remplacer l’enseignement qu’on supprimerait : presque pas d’institutrices laïques pour prendre la place des religieuses, dans les écoles primaires ; ni établissements, ni maîtresses, ni aucune apparence d’une organisation pour les études supérieures. Péril de porter un trouble profond dans un enseignement prospère, certitude de n’avoir d’élèves que malgré elles dans les écoles où la présence serait obligatoire, et dans les autres probabilité de classes vides, rien ne parut obstacle, tant était urgent d’arracher, fût-ce au prix du savoir, la femme à l’influence de l’Eglise.

Comment des catholiques se seraient-ils fiés à un enseignement établi tout exprès pour détruire leurs croyances ? Puisque l’instruction publique devenait une école de raison irréligieuse, les catholiques étaient, pour défendre leur foi religieuse, contraints d’opposer enseignement à enseignement.


IV

Si le dessein conçu par la libre pensée suffisait à légitimer la résistance des catholiques, combien plus est-elle justifiée aujourd’hui que cet enseignement peut être jugé non seulement sur son programme, mais sur ses résultats !

Ces résultats n’avaient été, il faut le reconnaître, ni voulus, ni prévus par ceux qui les préparaient. Politiciens par aptitude, intérêt et goût, adversaires du parti conservateur, consciens que ce parti puisait sa plus réelle solidarité dans ses croyances religieuses, ils voulaient détruire tout ce qui donnait force à l’ennemi. Adeptes de la Franc-Maçonnerie, où sous l’Empire les républicains avaient trouvé droit d’asile, ils avaient appris d’elle le prosélytisme de l’incrédulité. Mais leur philosophie même était politique. Dieu étant le premier des rois, ils supprimaient sa fonction comme inutile aux peuples, humiliante pour les hommes, et étaient fiers de mettre leur raison en république. Délivrés de Dieu et des rois, ils devenaient conservateurs d’un régime où ils se trouvaient les premiers. Bourgeois, ils ne rêvaient pas de modifier l’ordre social. Leur esprit, incapable d’unir les causes lointaines aux conséquences présentes, ne voyait pas le lien entre la civilisation qu’ils trouvaient bonne et les doctrines du christianisme. Ils avaient cru, en éliminant les hypothèses