Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA RÉSURRECTION
D’UN
ÉTAT AFRICAIN

I
L’ETHIOPIE HISTORIQUE

L’idée d’une solidarité naturelle entre les peuples chrétiens, que le XVIe siècle a exclue de la politique pratique, n’a été remplacée ni par la conception factice et incomplète d’une « Europe » dont il faut aujourd’hui briser les cadres pour y faire entrer des États nouveaux, comme le Japon, ni par la distinction, théorique elle aussi, trop élastique et trop vague pour servir de fondement à une classification impartiale, entre la « civilisation » et la « barbarie. » En face des puissances chrétiennes, ou, si l’on veut, civilisées, armées les unes contre les autres, paralysées par l’insécurité du lendemain, malades d’une jalousie soupçonneuse qu’attisent, chaque jour, les rivalités économiques, le monde musulman garde son unité de foi et poursuit, dans les profondeurs de l’Afrique et de l’Asie, les conquêtes du Croissant ; il reste impénétrable à notre civilisation, il la poursuit d’une haine inexpiable qui suffit à grouper, en un faisceau solide, les diverses branches de la famille mahométane. L’on s’est réjoui, sans nul doute, dans le secret des sanctuaires du Prophète et à la cour même du Commandeur des Croyans, des