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crevassée, d’une altitude moyenne de plus de 2000 mètres, ça et là boursouflée par des volcans éteints dont les flancs rougeâtres et chargés de scories attestent l’activité passée ; plusieurs dressent leur sommet au-delà de 4 000 mètres et semblent destinés à servir de réduits plus élevés et plus inaccessibles au milieu de l’immense citadelle. Un côté de la Mer-Rouge, le massif éthiopien présente un rebord abrupt qui surplombe sans transition, de près de 3 000 mètres, les steppes brûlantes qui vont s’enfoncer sous les flots de la Mer-Rouge ; aux yeux du voyageur qui arrive de la côte, l’Abyssinie surgit sous l’aspect d’une chaîne continue et infranchissable, d’une gigantesque barrière ; : vers le Nil, au contraire, les pentes s’abaissent par degrés, très rapides encore, mais cependant plus accessibles ; c’est de ce côté que les percées des cours d’eau ouvrent des brèches dans la bordure du haut pays. De très profonds ravins, où coulent des fleuves torrentueux, crevassent en tous sens la surface du plateau et le sectionnent en fragmens nettement séparés par des tissures qui favorisent la vie particulariste des provinces et le morcellement féodal. Il arrive que, d’une contrée à l’autre, on puisse entendre le son de la voix par-dessus l’un de ces fossés naturels et qu’une grande journée de descente et d’ascension suffise à peine à le franchir. Vers le nord, le plateau Ethiopien s’amincit, s’abaisse en face de Souakim et se relie à ce rebord oriental de l’Egypte que l’on nomme la Chaîne arabique. Au sud, au contraire, le massif se rattache, par un large pédoncule, aux plateaux du Harrar et du Kaffa et aux régions volcaniques, tourmentées, fissurées et d’ailleurs mal connues, qui avoisinent le lac Rodolphe. Mais, entre les montagnes du Choa et celles du Harrar, s’enfonce une sorte de golfe terrestre qui semble reproduire les formes démesurément agrandies du golfe marin de Tadjoura : c’est la vallée de l’Aouache, qui descend d’Addis-Ababa et des plateaux choans pour aller se perdre dans les sables du pays des Aoussas, et dont les eaux souterraines vivifient les oasis de la côte. C’est la voie naturelle de pénétration en Ethiopie par l’est, le chemin des voyageurs et des caravanes qui, venant de Djibouti ou de Zeïla, montent vers le Choa.

Cette forteresse de montagnes n’est traversée d’outre en outre par aucune de ces grandes voies naturelles, de ces cols pour ainsi dire obligatoires, qui sont les routes traditionnelles des migrations des peuples et des invasions des conquérans. Les