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l’Ogaden, jusque vers les régions montagneuses, encore si mal connues, que l’on englobe sous le nom de pays des Somalis.

En ces derniers temps, un Russe, M. de Léontieff, obtint de Ménélik de conduire une petite expédition jusqu’aux rives du mystérieux lac Rodolphe ; décoré du titre de comte et gratifié du grade de dedjaz (général), devenu fonctionnaire du Négus et gouverneur d’une nouvelle « province équatoriale, » qu’il ne lui restait qu’à créer, M. de Léontieff aurait, paraît-il, dans sa dernière exploration, planté le drapeau éthiopien jusque sur les rives méridionales du Rodolphe et commencé l’organisation et l’exploitation des pays nouvellement acquis à l’empire d’Ethiopie. Mais, malgré certains récits enthousiastes, on n’est pas encore définitivement fixé sur la valeur économique de ces territoires. Anglais et Italiens se les étaient naguère théoriquement partagés : il serait piquant, et d’ailleurs très légitime, qu’ils vinssent s’ajouter au domaine du Roi des rois.

C’est encore vers le sud du Harrar que les généraux de Ménélik ont remporté, l’été dernier, une victoire sur un « Mahdi » musulman qui prêchait la guerre sainte dans l’Ogaden et jusque dans le pays des Somalis. Le grazmatch Benti battit, à la bataille de Dig-Digga, Mohammed-ben-Abdallah, et tua 2 500 des siens. Toute cette région, qui s’étend au sud et à l’est de Harrar, semble, encore en ce moment, dans un état d’effervescence inquiétant. L’origine mystérieuse de cette agitation, les encouragemens clandestins que recevraient, d’après certains bruits, les rebelles musulmans, sont plus alarmans que ces troubles eux-mêmes dont les troupes éthiopiennes auraient facilement raison. L’incendie en apparence le plus insignifiant peut devenir grave si quelque puissant trouve son intérêt à le propager. Or, de grands périls menacent l’Ethiopie. Si les événemens de l’Afrique du sud et ceux de Chine en ont, sans doute, reculé la redoutable échéance, le danger est loin d’avoir disparu, et c’est pour y parer que, depuis longtemps, Ménélik, très clairvoyant et très bien informé, emploie toute son énergie à fortifier son pouvoir, à organiser son armée et à pacifier ses frontières.


RENE PINON.