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cristallisables. A chaque nouvelle simplification, on voit apparaître un corps plus acide et plus riche en phosphore : au troisième degré, on tombe sur l’acide phosphorique lui-même. La première opération scinde la nucléine en deux substances : une nouvelle albumine et l’acide nucléinique. Après avoir séparé ces élémens, on peut les réunir et reconstituer, par synthèse, la nucléine. — La seconde opération sépare l’acide nucléinique, à son tour, en trois éclats : un corps de la nature des sucres, c’est-à-dire un hydrate de carbone ; fait intéressant et plein de conséquences physiologiques et pathologiques. Un autre éclat est constitué par un mélange de corps azotés bien connus en chimie organique sous le nom de bases xanthiques (xanthine, hypoxanthine, guanine, adenine). Le dernier éclat est. un corps très acide et très phosphore, l’acide thymique. — Si, enfin, dans une troisième opération, on soumet cette substance à l’analyse, on la sépare en acide phosphorique et en une base cristallisable, la thymine. On est ramené ainsi au monde physique ; tous ces corps lui appartiennent.


Ce n’est encore que la moitié de la besogne. On vient de suivre jusqu’au bout l’une des branches généalogiques du protéide, la branche nucléinique ; il faudrait connaître de la même façon l’autre branche, la branche albumine ou histone. Mais, de ce côté, le problème prend un caractère de difficulté et de complication bien fait pour rebuter la patience.

L’analyse de la matière albumineuse exige, en effet, de grandes précautions. Le chimiste se trouve en présence d’une architecture savante : la molécule d’albumine est un édifice complexe qui met en œuvre plusieurs milliers d’atomes. Pour en apercevoir le plan et la structure, il faut le démonter ; il faut le séparer en parties qui ne soient ni trop grosses, ni trop petites. Cette démolition ménagée est difficile. Des procédés trop brutaux ou trop violens fourniraient une poussière, au lieu de fragmens reconnaissables et faciles à rejoindre ensemble par les faces de fracture.

Un chimiste fort habile, M. Schülzenberger, a tenté, il y a vingt-cinq ans, cette ingrate opération. Il essaya de produire la dislocation de l’albumine d’œuf. L’espèce de bélier qu’il mit en action contre l’édifice moléculaire de l’albumine fut l’hydrate de baryte chauffé en vase clos, à 200°. Avant lui, Hlasivetz et Habermann avaient employé à la même besogne d’autres engins, l’acide chlorhydrique concentré, le brome. La baryte vaut mieux. L’albumine se scinde, sous son