Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la condescendance un peu dédaigneuse, et peut-être passagère, de l’Angleterre qu’elle la tient que de ses droits historiques et de l’effort colonial de ses sujets ; c’est moins comme l’héritage inaliénable de ses ancêtres que comme un fief révocable de la Grande-Bretagne.


V

Les mariages de raison ne sont point rares en politique et ils y sont justifiés. Et si l’intérêt du Portugal l’engageait réellement à se lier à l’Angleterre par les liens d’une étroite alliance, qui donc le blâmerait d’avoir obéi à son intérêt ? Mais les peuples, autant que de colonies et de commerce, vivent d’honneur et de dignité, et certains oublis sont des abdications. Aux fêtes du mariage de 1900 on a trop oublié, parmi les hommes qui dirigent, le Portugal, les fâcheux souvenirs de 1890. Et c’est pour cela que les acclamations officielles, — le peuple, en général, a plus le sens de sa dignité, — durant les fêtes qui ont célébré à Lisbonne, le 6 décembre dernier, la venue de l’escadre de l’amiral Rawson, ont paru sonner faux et tinter comme le glas d’une nation qui s’abandonne. Déjà quelques semaines plus tôt, à Komalipoort, sur la frontière du Transvaal envahi, lord Roberts avait fait saluer, par les hourrahs frénétiques de ses troupes, le drapeau portugais. Dans les discours prononcés au banquet de Lisbonne, dans les dépêches échangées entre le roi don Carlos et la reine Victoria, dans les toasts du Majestic, on a affirmé, de part et d’autre, « la franche et loyale alliance » et « la vieille amitié » qui unit l’Angleterre et le Portugal. Les générations passent vite en Portugal, et les deuils nationaux ne se portent pas longtemps ; le beau mouvement patriotique d’il y a dix ans apparaît dans un passé aussi lointain que les exploits du grand Albuquerque, et il semble que l’on en ait porté au tombeau, avec Serpa Pinto[1], le dernier souvenir.


Deux vrais amis vivaient au Monomotapa :


il était permis, en ces derniers temps, de se demander, en

  1. Mort le 30 décembre 1900.