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sclérose protectrice et ne laisseraient d’autres traces aux sommets des poumons, que quelques cicatrices ardoisées, comme on en trouve souvent à l’autopsie chez les gens les moins suspects de tuberculose.

Mais le malade ne veut pas entendre parler de semblables conseils ; il se rit du médecin, « qui fait tant d’embarras pour un simple rhume. » Voudrait-il se soigner d’ailleurs qu’il ne le pourrait guère : c’est sa situation qu’une absence prolongée lui ferait perdre, c’est sa famille que le chômage laisserait dans le besoin. Et puis où aller ? Le Midi n’est fait que pour les riches, et la campagne, surtout en hiver, n’a rien de séduisant pour un homme anémié, qui tousse et qui redoute l’humidité et le froid.

On se borne donc à demander au médecin des remèdes, et le médecin, qui sait à quoi s’en tenir, donne des remèdes : huile de foie de morue, créosote, phosphate de chaux, etc. Il conseille aussi du repos, mais en général il se garde bien de dire au malade le nom de sa maladie : à quoi bon l’effrayer et ajouter à sa dépression physique l’anxiété morale ? On se borne à parler de bronchite, de congestion légère, tout au plus de pleurésie.

Le malade rassuré prend les remèdes, mais continue à vaquer à ses occupations. Bientôt les symptômes s’accentuent : la pâleur augmente, un amaigrissement marqué l’accompagne, la toux devient plus fréquente et l’expectoration se montre avec les pelotons opaques caractéristiques, dans lesquels le microscope décèle de nombreux bacilles : la tuberculose a franchi la seconde étape, elle est désormais ouverte, et la plaie pulmonaire est exposée à toutes les infections accidentelles ; bientôt chaque journée de travail se termine par un léger accès de fièvre, l’appétit s’en va, le sommeil est agité et accompagné de sueurs.

Le médecin, consulté de nouveau, multiplie les médicamens, essaie diverses injections réputées anti-bacillaires, insiste enfin sur la nécessité du repos. Le malade hésite, résiste tant qu’il peut : il lui semble que s’aliter serait s’avouer vaincu et concéder à la maladie plus de gravité qu’il ne veut lui en reconnaître. Il continue à traîner jusqu’à l’épuisement complet de ses forces. Enfin il se résigne et, s’il est seul, prend avec répugnance le chemin de l’hôpital. Il y est reçu sans enthousiasme, car le médecin chef de service sait par expérience combien sont précaires et insuffisans les moyens de traitement dont il dispose. Cependant le malade, après examen détaillé de ses lésions, est