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Cela est vrai surtout pour les femmes qui exercent des professions libérales, car les ouvrières ne se sont montrées qu’en très petit nombre, gardant le silence pour la plupart, et laissant leurs intérêts aux mains de ce que leurs collègues de Paris, sur tous les tons d’une haine plus ou moins contenue, appellent des « bourgeoises. » A notre Congrès des droits de la femme, les déléguées des syndicats figuraient en personne et leurs revendications ardentes, passionnées, souvent injustes, ne m’ont pas semblé devoir produire l’harmonie des partis ; à Londres, elles semblaient absentes, au point que les organisatrices du Congrès international ont dû expliquer que la besogne journalière des travailleuses ne leur permettait pas d’être assidues aux séances, ni de venir de loin, le voyage fût-il gratuit. En revanche, les avocates, professeurs, artistes, médecins, etc., ont pu fraterniser et s’entr’écouter, si bien que deux volumes suffisent tout juste à contenir l’abrégé de leurs discours.

Faute d’espace, nous ne considérerons que les professions nouvelles. Il serait en effet superflu d’envisager la femme dans les lettres et dans les arts, où depuis longtemps elle est admise à manifester sa valeur, sans que le public tienne compte du sexe de l’écrivain ou du peintre. On n’a pas marchandé la gloire aux George Sand, aux George Eliot, aux Elizabeth Browning, aux Ackermann, aux Rosa Bonheur. Bien avant elles, les Staël et les Austen, les Rosalba, les Vigée-Lebrun et les Angelica Kaufmann avaient pris rang parmi leurs contemporains les plus célèbres. En France, l’Ecole des Beaux-Arts vient de s’ouvrir aux femmes. Le jour où, en musique, elles pourront être mieux que virtuoses ou professeurs, elles n’auront pas plus de peine que les hommes à faire accepter et exécuter un opéra ; le très petit nombre d’entre elles qui montre quelque imagination créatrice n’est certes pas méconnu. Quant à la carrière dramatique, si encombrée qu’elle soit, elle n’est pas cruelle aux actrices de génie ou seulement de talent. Laissons donc de côté l’examen des rapports qui ont Irait à ces diverses professions, qu’il faudrait appeler plutôt des vocations et dont il serait plus qu’imprudent de faire des gagne-pain.

Le journalisme, séparé des lettres en général, paraît cependant nourrir une multitude de femmes. Nous savons gré à la duchesse de Sutherland, qui présida la séance dont il fut l’objet, d’avoir si bien parlé de la nécessité ; qu’il y aurait à lui conserver