Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 2.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les dispensaires et se proposa d’en faire autant à Berlin. Elle rencontra d’abord quelques difficultés, l’Allemagne étant lente à changer ses habitudes, mais maintenant Berlin possède un dispensaire où plus de 30 000 indigens reçoivent des secours.

Pareillement, en Hollande, le docteur Aletta Jacobs fut longtemps seule de son sexe. Aujourd’hui, dit-elle, l’impulsion est enfin donnée, du moins pour ce qui concerne le traitement des femmes et des ennuis. La Société de gynécologie a un secrétaire femme. L’un des trois médecins municipaux récemment nommés par le conseil de la ville d’Amsterdam est une femme, rémunérée comme ses confrères mules.

Deux dames russes, deux docteurs, rendent compte de la lutte intrépide que leurs compatriotes livrèrent à d’anciens préjugés pour arriver aux études supérieures et a. l’exercice de la médecine. La première qui s’y jeta fut la fille d’un serf, Nadeschda Susloff ; elle prit ses degrés à Zurich, en 1867. Ses très nombreuses imitatrices témoignèrent des dons merveilleux de ténacité et d’endurance qui forment le fond de l’âme russe. Nourries tout juste assez pour ne pas mourir de faim, pauvrement vêtues, tristement isolées à l’étranger, les étudiantes travaillaient pour la plupart avec l’idée mystique de mener une vie de sacrifices au milieu des paysans. C’est à Mlle Rodstwennaïa et à sa mère que l’on dut les fonds nécessaires à l’établissement des premiers cours qui, avec la permission de l’Empereur, furent créés à l’Académie de médecine et de chirurgie de Pétersbourg. Elles donnèrent pour cela tout l’argent qu’elles avaient laborieusement gagné en Sibérie. Le tsar Nicolas II s’est montré favorable aux femmes médecins et généreux envers l’Institut dont elles sortent. Dans les campagnes de l’intérieur surtout, elles font un bien inestimable ; leur courage n’a d’égal que leur désintéressement. A Pétersbourg, on les trouve au nombre de 55 dans 28 hôpitaux ; il y en a aussi dans les écoles, dans le service municipal des plus misérables quartiers ; le dispensaire se tient chez elles et doit être ouvert tous les jours. Plusieurs ont une assez vaste clientèle et des spécialités reconnues. Il y a près de dix ans qu’elles ont fondé une société d’aide morale et matérielle, où l’argent est prêté sans intérêts à celles qui traversent des difficultés temporaires. Cette société forme un centre où se discutent les questions professionnelles.

Les femmes représentant plus de la moitié de la race humaine,