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propos[1]. » Mais cette question l’absorbe uniquement. Il voudrait que Vendôme reçût l’ordre formel de détacher quelques bataillons de son armée d’Italie pour venir grossir celle que lui-même commande, et il laisse sans réponse les dépêches pathétiques que Villars lui adresse des bords du Danube pour le presser de coopérer à son plan et d’entrer en communication avec son armée[2].

Chamillart, qui n’était pas un grand stratégiste, écrivait cependant de son côté à Tallart : « La communication avec l’Allemagne, c’est le salut. » Mais à Tallart comme au Duc de Bourgogne manquaient les vues d’ensemble. Tous deux ne pensaient qu’à prendre Brisach, et, vaincu par leur insistance, car il aurait, avec raison, préféré Landau et surtout Fribourg, le Roi leur accorda la permission de tenter ce siège. Le Duc de Bourgogne, toujours désireux d’agir personnellement, témoigne sa joie de voir arriver « le terme tant désiré où il ne pourra se compter inutile au service de Sa Majesté[3]. » Mais deux mois ont été perdus, durant lesquels le bruit s’est même répandu à la Cour que rien d’important ne serait tenté cette année. Aussi le prince de Bade, ne se sentant pas vigoureusement attaqué, s’est-il dérobé, ne laissant devant le Duc de Bourgogne qu’un rideau de troupes, et, en allant joindre son armée à celle des Impériaux, il va contribuer à l’échec du plan audacieux de Villars, auquel, de son côté, Vendôme n’apportait point le secours attendu. Tallart et le Duc de Bourgogne, tout entiers à leur siège, se réjouissent de ce départ et ne semblent point se rendre compte des difficultés avec lesquelles ils laissent Villars aux prises. Partout se faisait sentir l’absence d’une volonté forte, sachant faire tout converger au même but. Mais c’était à Versailles, comme au temps de Louvois, que cette volonté aurait dû se trouver, et il n’est pas étonnant qu’elle ne se rencontrât pas à la tête d’une armée commandée par un jeune prince et un maréchal incapable.

La tranchée était enfin ouverte devant Brisach, le 23 août. Cette ville avait été autrefois fortifiée par Vauban. Ce fut

  1. Dépôt de la Guerre, 1667. Le Duc de Bourgogne au Roi, 23 juillet 1703. Ces lignes sont en post-scriptum de la main même du Duc de Bourgogne.
  2. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvillier, par le marquis de Vogüé, p. 40. La minute de quatre de ces lettres a été découverte par le marquis de Vogüé dans les papiers de Villars ; il n’y a point trouvé de réponse du Duc de Bourgogne. Il se peut cependant que ces réponses aient été perdues, ou que le Duc de Bourgogne n’ait pas réussi à les faire parvenir. Nous n’avons rien trouvé non plus au Dépôt de la Guerre.
  3. Dépôt de la Guerre. Le Duc de Bourgogne à Chamillart, 8 et 10 août 1703.