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dans aucune combinaison, sans mon parti. — C’est ainsi que je l’entends, » me répondit-il.

En novembre 1803, je lui remis mes notes, simple résumé des idées exprimées dans mes discours. Il me parut plutôt découragé ; il me confirma ce que Girardin m’avait conté des dispositions de l’Empereur, à se refuser à tout nouveau pas en avant, parce qu’il n’avait pas encore terminé ce qu’il avait à faire. « S’il en est ainsi, lui dis-je, pourquoi adopte-t-il des mesures indiquant une disposition contraire ? Il devrait prendre une décision ferme. — Est-ce que vous croyez qu’il soit facile de faire prendre à l’Empereur une décision ferme ? — Dans tous les cas, à défaut d’une nouvelle extension des libertés politiques, obtenez-en une loi sur la liberté des coalitions ; puisque nous ne pouvons avancer d’un côté, avançons de l’autre. Toute la classe populaire est allumée sur cette liberté des coalitions ; le récent procès des typographes a démontré les duretés vraiment iniques de la loi actuelle ; un nouveau procès de ce genre serait matériellement impossible ; conseillez l’abrogation d’une loi injuste, qui blesse et opprime le travailleur et méconnaît son droit primordial de se concerter sur les conditions auxquelles il accordera son travail. — Oh ! je crois que j’obtiendrai cette loi. L’Empereur est bon, il aime le peuple ; il a déjà marqué son penchant par les grâces accordées aux ouvriers condamnés ; je crois qu’il ne refusera pas. »

Plus encore qu’à notre dernière conversation, il se montrait préoccupé de la nécessité d’enlever la conduite des Affaires étrangères à la volonté solitaire et omnipotente de l’Empereur. Il ne voyait pas le péril dans les menées des anciens partis, sur lesquels il suffirait de souffler pour les réduire au silence, mais dans le superficiel et le décousu de la politique extérieure. C’est pour élever des digues de ce côté qu’il devenait de plus en plus constitutionnel. « Ainsi, me dit-il, en faisant allusion aux récentes négociations polonaises, quelle sécurité peut-on avoir quand les Affaires étrangères sont sans contrôle aux mains d’un ministre d’une docilité sans limites, prêt à exécuter tout ce qu’on lui prescrit, même malgré son avis ? »

Quelques jours après, sortant d’un comité sur les sucres où il avait fort bien parlé : « Vous voyez, me dit-il en riant, je me lance. » Je lui fis des complimens sur la netteté de sa parole. « J’espère, riposta-t-il, en montrant le banc des ministres, que je le prouverai là à côté de vous. » Une fois, il me proposa de