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Lorsqu’il écrivait à son beau-père : « Je veux périr devant Turin ou ne me monstrer que quand je l’auray pris ; ayés assés bonne opinion de moy pour ne pas douter de l’alternative[1], » c’était pure vantardise, car il ne fit ni l’un ni l’autre. Vendôme, qui s’était obstiné, contre Vauban, à imposer l’attaque par la citadelle, avait été remplacé par le Duc d’Orléans, et c’est encore une accusation injuste que celle portée, quarante ans plus tard, par le duc de Luynes et qui rend la Duchesse de Bourgogne responsable de ce rappel, « parce qu’il aurait parlé de son père avec mépris et poussait aux dernières rigueurs[2]. » Vendôme en effet, qui avait affaire à forte partie, avec le prince Eugène sur ses derrières et Victor-Amédée devant lui, sentait les affaires tourner mal en Italie et fut heureux d’aller prendre le commandement de l’armée de Flandre où il espérait mieux. Le Duc d’Orléans avait non seulement de la bravoure, mais, ce qui manquait au Duc de Bourgogne, du coup d’œil militaire. Malheureusement son « noviciat de commandement, » suivant sa propre expression, ne lui assurait pas une autorité suffisante, et de plus il était bridé par Marcin, auquel il avait donné sa parole d’obéir en fait. Celui-là était un autre incapable, que Saint-Simon appelle, non sans raison, « une manière de linotte, intrigant qui sestoit poussé en faisant sa cour à tout ce qui estoit en quelque place de crédit, par tous les moyens[3] » mais qui du moins, mortellement Messe à Turin, comme il en avait eu le pressentiment dès le début de la campagne, sut mourir avec courage et piété, en « héros chrétien, » écrivait, avec quelque peu d’emphase, son secrétaire Duchesnoy[4].

Suivant Michelet, ce serait Marcin et non pas La Feuillade qui serait la cause de tout le mal. Confident de Mme de Maintenon, « c’est lui qui aurait apporté la pensée des dames, ses craintes, et surtout celles de la Duchesse de Bourgogne ; celle-ci aurait redouté une bataille rangée où l’on aurait peu ménagé son père. Elle aurait chapitré Marcin à son départ, et lui aurait fait promettre qu’il émettrait l’avis, le moins dangereux pour son père, » et Michelet ajoute : « Grande Histoire et très simple. Nous lui avons rendu son unité. C’est la direction qui part du

  1. Michel Chamillart, par l’abbé Esnault, t. II. p. 99.
  2. Mémoires du duc de Luynes, t. X, p. 131.
  3. Saint-Simon. Parallèle des trois Rois Bourbons, p. 277.
  4. Dépôt de la Guerre, 1966, Duchesnoy à Chamillart.