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l’argen ? Je sais qu’on l’a dit. Quoi ! je voudrois détrôner mon mari et moi-même pour soutenir mon père. » D’où vient cependant que ces calomnies n’ont jamais pris corps ; que Marie-Louise était devenue populaire en Espagne au point que, bien des années après sa mort, sur le passage de celle qui lui avait succédé dans le lit de Philippe V, la foule criait : « Viva la Savoiana ! » et qu’elle occupe aujourd’hui, dans les annales de son pays d’adoption, une place héroïque ? C’est que, de son vivant, il ne s’est point trouvé à la cour d’Espagne d’ennemis pour grossir la calomnie ou de nouvellistes pour la propager, et pas davantage, après sa mort, d’historiens espagnols pour la recueillir et la prendre à leur compte. La Duchesse de Bourgogne n’a point eu cette heureuse fortune ; mais, aujourd’hui que nous pouvons juger de l’accusation, pièces en mains, il est permis de répéter, en pensant aux nouvellistes et aux historiens français, à quelques-uns surtout si mal à propos appelés nationaux, ce jugement qu’avec une sagacité rarement en défaut dans son Siècle de Louis XIV. Voltaire portait déjà, voici bientôt deux siècles, en parlant de la prétendue trahison de la Duchesse de Bourgogne : « C’était un de ces bruits populaires qui discréditent le jugement des nouvellistes et qui déshonorent les histoires. »


HAUSSONVILLE.