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ou trois villes notre effort financier et industriel, nous n’avons pas tort d’en affaiblir l’effet en le dispersant sur un grand nombre de points. Le projet comporte, indépendamment des travaux en cours d’exécution, 113 millions de dépenses à Dunkerque, Dieppe, le Havre, Rouen, Saint-Nazaire, Nantes, Bordeaux, Bayonne, Cette et Marseille ; 34 millions sont prévus pour créer, dans ce dernier port, un nouveau bassina la Madrague, à côté du bassin de la Pinède en construction ; 26 millions sont affectés à Dunkerque pour agrandir les bassins Freycinet ; 27 millions à Rouen et au Havre ; 13 à Nantes ; 6 à Dieppe. Telle serait la part des ports de mer.

Nous ne discuterons pas le côté technique des projets ; nous ne mentionnerons pas les inquiétudes que soulève en particulier celui du Havre, qui ouvre de nouveaux bassins directement en face des redoutables vents d’Ouest ; mais nous montrerons une autre face du problème, celle de la matière première, s’il est permis de s’exprimer ainsi, de l’industrie maritime. La nature de notre commerce, qui exporte des objets fabriqués de beaucoup de valeur sous un faible volume et qui importe au contraire des matières premières pondéreuses, fait qui nos navires manquent de fret à la sortie. Or, c’est un axiome connu que la nécessité pour les armateurs de ne pas faire faire à vide un voyage sur deux à leurs bâtimens. De là naît celle situation factieuse de la France, qui voit les trois quarts de son commerce extérieur s’opérer par des navires étrangers, et qui paie ainsi un tribut de 300 millions par an aux armateurs anglais, allemands, norvégiens et autres. Ce mal s’est aggravé rapidement au cours des dernières années : en 1890, le Havre envoyait encore au Brésil, sur navires français, 80 000 mètres cubes de marchandises ; cette quantité était tombée à 45 000 en 1895 ; elle a été de 16 000 en 1900 ; la valeur de cette exportation est tombée en dix ans de 80 à 28 millions de francs par an. Les navires allemands, déjà en partie chargés à leur point de départ, profitent de notre loi de 1899 sur les droits de quai, qui favorise le pavillon étranger aux dépens du nôtre, pour venir, au Havre ou à Cherbourg, chercher un complément de marchandises et de voyageurs ; il n’est dès lors pas surprenant que la part prise par notre propre flotte dans le mouvement de nos ports aille en diminuant chaque année, et que nous ayons peine à suffire avec elle à nos transports militaires, comme lorsqu’il s’est agi par exemple l’an dernier