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in partibus. Son ministre était un de ses neveux, le comte Ladislas Zaïnoyski, intelligent, énergique, d’infatigable activité, qui s’occupait à la fois de préparer un mouvement militaire et de constituer un gouvernement d’attente, une presse, un budget, un clergé, un ordre religieux, les Pères de la Résurrection, et surtout une diplomatie. Dans chaque centre européen, un agent polonais essaya de s’accréditer, de gagner des sympathies, de susciter un concours. Les deux centres principaux furent Paris et Rome.

Les révolutionnaires polonais ne se souciaient ni du pape ni des cours ; ils s’occupaient d’obtenir la sympathie des peuples ; ils s’alliaient aux révolutionnaires de tous les pays, Kossuth, Mazzini, Ledru-Rollin, et préparaient, dans le royaume aussi bien que dans les anciennes provinces polonaises, les élémens de la révolte future. Mierolawski, honnête homme, mais esprit violent, aussi peu militaire que possible, quoique s’intitulant général, les dirigeait. En dehors des politiques nobles et révolutionnaires, se formait dans l’émigration, sous l’action de trois poètes de génie, Mickiewicz[1], Slowacki, Brazinski et d’un illuminé, Towianski, le parti de la Transfiguration de la Pologne en Christ des nations : ses erreurs, ses légèretés, ses folies avaient été des vertus ; elle n’avait pas été seulement crucifiée comme le Christ pour ressusciter comme lui, elle était morte aussi volontairement pour racheter les péchés des autres nations, elle était morte pure de toute faute et de tout reproche. Elle devait renoncer aux conspirations, aux haines, aux vengeances, ne chercher la victoire que dans l’état de perfection que créent la souffrance et le sacrifice, défier le ciel par la foi qu’on a en lui et dans les grandes occasions témoigner de sa vie en recevant la mort sans la donner, en allant au supplice comme les premiers chrétiens, la croix en main, la confession sur les lèvres ; enfin s’en rapporter à Dieu seul pour le moment de la justice définitive sur la terre.

Pendant que les politiques s’agitaient et que les mystiques chantaient ou priaient, un homme supérieur, le marquis Alexandre Wielopolski, dans un coin de la Pologne méditait. Le travail avait été l’objet principal de sa vie, mais il ne se contenta pas de lire les historiens, les philosophes, les classiques, les livres sacrés, il regarda autour de lui. Il vit la dissolution sans cesse

  1. Voir Empire libéral, t. Ier, p. 403.