Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« l’établissement du port. » Cet écart doit donc être d’autant plus considérable, et le flot de marée d’autant plus en retard, que la vague a été ralentie dans sa marche par des hauts-fonds, des îles, des rétrécissemens, des continens contre lesquels elle se brise, se divise ou se dévie, et des détroits dans lesquels elle pénètre avec plus ou moins de peine et en perdant naturellement une certaine partie de sa vitesse.

L’énorme amplitude du flux et du reflux dans les eaux de Saint-Malo et de Granville provient non seulement de l’exhaussement graduel du fond de la baie du Mont Saint-Michel, mais encore et surtout de la rencontre de deux ondes : la première qui arrive directement de l’Océan et qui, en entrant dans la Manche, vient heurter une deuxième onde qui a mis exactement vingt-quatre heures pour faire le tour des Iles Britanniques et déboucher par la Mer du Nord et le Pas-de-Calais. Ces deux vagues s’ajoutent ainsi l’une à l’autre, les deux crêtes se superposent, et la hauteur du flot, qui est déjà en morte-eau de 7 à 8 mètres, se trouve doublée et atteint près de 15 mètres à l’époque des équinoxes.

Il n’existe pas en Europe de spectacle comparable à celui de l’envahissement de la baie du Mont Saint-Michel par une grande marée. En quelques heures, près de 1 500 millions de mètres cubes s’engouffrent dans la baie, noyant une surface de plus de 250 kilomètres carrés, se retirant ensuite avec la même vitesse, très variable sur les différentes parties de la plaine submergée, mais atteignant en certains endroits celle d’un cheval au galop, laissant à découvert une immense plaine de sable glauque, miroitante, coupée de fondrières, et se perdant à plus de 10 kilomètres au large, dessinant dans les profondeurs lointaines de l’horizon une longue et fine frange d’écume blanche, limite de la ferre et du ciel.

La Rance, dont l’embouchure se trouve aujourd’hui à Saint-Malo même, est à peu près accessible aux bateaux d’un moyen tonnage sur 25 kilomètres jusqu’à Dinan où aboutit le dernier bief du canal d’Ille et Rance, dont la navigation est assez médiocre, comme d’ailleurs celle de tous les canaux intérieurs de la Bretagne.

L’origine de Dinan est à peu près inconnue. D’intrépides archéologues en font le chef-lieu de la tribu des Diablintes et lui donnent le nom de Noviodimum, qu’on ne trouve, à vrai dire,