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donnent le nom d’ « îles du Canal » Channel islands, et qu’ils détiennent presque toutes, bien qu’en réalité elles devraient faire partie de la terre française, dont elles n’ont été séparées d’ailleurs violemment que depuis une date inconnue sans doute, mais relativement récente de l’âge de la terre.

Mais, si elles existent à l’état d’îles depuis l’origine de notre dernière époque géologique, on est fondé à croire qu’elles présentaient déjà aux premiers temps historiques, et même il y a seulement quelques siècles, une étendue beaucoup plus considérable et que par suite elles étaient sensiblement plus rapprochées du continent.

Toutes les traditions locales sont unanimes au sujet de la submersion lente et de l’affaissement continu de tout le rivage occidental du Cotentin. Les anciennes chroniques de Jersey et diverses chartes du diocèse de Coutances mentionnent qu’au VIe siècle la grande île anglaise n’était séparée de la terre ferme, à marée basse, que par un simple ruisseau. Il y a là sans doute un peu d’exagération. Quoi qu’il en soit, le ruisseau légendaire s’est notablement élargi et approfondi depuis ; il n’a pas moins de 20 kilomètres aujourd’hui et présente partout plus de 3 mètres d’eau aux plus basses mers. L’île d’Aurigny, la plus septentrionale des îles normandes, était aussi très certainement rattachée autrefois au promontoire du continent désigné sous le nom de « Nez de Jobourg, » et qui est situé un peu au-dessous du cap de la Hague ; mais on ignore l’époque exacte de la rupture et les circonstances, — tempêtes ou marées exceptionnelles, affaissement lent ou brusque du sol, — qui ont déterminé son isolement.

De l’autre côté de la presqu’île du Cotentin, au Sud de la pointe de Saint-Waast, un autre groupe d’îles était aussi très certainement rattaché à la terre ferme ; c’était le petit archipel de Saint-Marcouf, qui commande la fosse de la Hougue, dont le nom rappellera toujours le désastre de l’amiral de Tourville en 1693.

Toute cette côte, d’ailleurs, est depuis les temps historiques fortement entamée par les vagues, et le conflit des marées y produit des courans d’une extrême violence. Le plus sensible de tous, le Raz-Blanchard, traverse le défilé qui sépare le Nez de Jobourg de l’île d’Aurigny et rase le cap de la Hague avec une vitesse qui dépasse quelquefois 16 kilomètres à l’heure. Un peu plus au Sud, le bras de mer qui a remplacé le fossé légendaire