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Contre l’infâme effort des sectaires méchans
Qui s’acharnent après la foi des pauvres gens ;
Et je songeais, avec une âme épouvantée,
À l’effroyable abîme où court ce peuple athée.
Mais la cloche sonnait toujours, et c’est à moi
Qu’elle parla soudain.

« Homme de peu de foi,
Qui t’étonnes, après dix-neuf siècles de lutte,
Qu’on haïsse Jésus et qu’on le persécute !
Le Christ sera toujours vainqueur. Donc prie et crois !
Les cèdres de mille ans sont jeunes pour la Croix.
Toujours debout, elle a vu crouler vingt empires.
Nos temps sont mauvais. Soit ! Elle en connut de pires.
Rappelle-toi, chrétien, nos temples violés,
La Terreur, l’échafaud, les prêtres immolés
Par la machine rouge au couperet oblique,
La Raison, sous les traits d’une fille publique,
Assise sur l’autel où — mystère divin ! —
Dieu même était venu dans le pain et le vin…
L’orage sacrilège a passé. Ma prière
Retentit de nouveau dans les clochers de pierre,
Et, sous leurs pas nombreux, les fidèles ravis,
Tu le sais, ont usé l’herbe de nos parvis.
Oui, le combat est rude et toujours recommence.
Enivré de mensonge et frappé de démence,
Le peuple, en ce moment, laisse dans l’abandon
L’église où Dieu l’attend, toujours prêt au pardon.
Les victoires du mal, crois-moi, sont éphémères.
Tôt ou tard, dégrisé de ses folles chimères,
Le peuple lèvera son front désespéré
Vers Celui dont le pauvre est l’ami préféré.
En voyant s’écrouler leurs idoles d’argile,
Ces hommes reviendront au Dieu de l’Evangile
Qui seul saura guérir les maux qu’ils ont subis
Et, Bon Pasteur, fera de ces loups des brebis.
Ma voix, qui, dans le grand fracas, semble perdue,
Par quelque triste cœur est quand même entendue,
Et d’un secret désir de croire il est troublé.
Quel espoir de moisson dans ce seul grain de blé !