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donnait à toutes les marées des sizygies et surtout aux marées d’équinoxe, — l’une de ces ondes, celle de l’Océan qui remonte du Nord au Sud, étant rencontrée par une autre onde qui descend du Sud au Nord par le Pas de Calais, après avoir mis exactement vingt-quatre heures pour faire le tour des Iles Britanniques, les deux flots s’ajoutant ainsi l’un à l’autre, l’intumescence étant par suite doublée, et l’écart entre les niveaux des plus hautes et des plus basses mers atteignant quelquefois 15 mètres.

Le phénomène est tout différent au fond de la baie de la Seine. Le grand flot de marée qui vient du large passe au-devant de Cherbourg et y détermine les terribles raz contre lesquels luttent difficilement les navires qui doublent les deux cornes du Cotentin ; à la pointe de Barfleur, il se divise nettement en deux branches. La première, la plus importante, continue sa marche du Sud au Nord, traverse au large et en droite ligne le golfe normand et va frapper le cap d’Antifer ; là, elle se bifurque en deux rameaux secondaires dont l’un, remontant vers le Nord en suivant la ligne des falaises jusqu’à Boulogne, va remplir tous les ports de la côte de Flandre et l’autre, rebroussant vers le Sud, rase le cap de la Hève, descend au Havre et pénètre dans l’embouchure de la Seine. La seconde branche double la pointe de Barfleur, longe toute la côte de Normandie jusqu’à Trouville, et se dirige aussi vers la Seine, mais par un chemin beaucoup plus long que la première, puisque, au lieu de traverser directement la baie, elle en suit tous les contours. Le flot de marée qui passe successivement devant tous les ports de la côte normande arrive donc au Havre beaucoup plus tard que celui qui descend du cap d’Antifer, et ses premières manifestations se font sentir précisément au moment où ce dernier commence à se retirer et où les eaux tendent à baisser. Il le soutient alors par sa pression, prolonge d’une manière très sensible la durée de la pleine mer, ce qu’on appelle « l'étale ; » et c’est ainsi que, dans beaucoup de ports de la baie de Seine, le niveau de l’eau se maintient sensiblement fixe pendant près d’une heure dans le voisinage de son maximum et qu’on peut y faire, en une seule marée, des manœuvres qui en exigeraient quelquefois plusieurs dans les ports situés au Nord du cap d’Antifer et à l’Ouest du cap de Barfleur sur toute la côte bretonne. Les conséquences de ce régime hydraulique spécial se traduisent pratiquement de la manière suivante : les bassins du port du Havre peuvent